#été2023 #00 | Prologue

J’ai mis du temps à te découvrir. Longtemps, tu es resté un mystère, je connaissais ton existence, à peine ton titre.

Tout commence en classe de sixième, le prof. de français, absent, nous envoie son « assistante » (heureux temps où un prof disposait d’une assistante… ) pour meubler cette heure vacante. Politesses ; elle ouvre un livre et commence la lecture. Avait-elle annoncé auteur et titre ? Ce n’est pas sûr, peut-être était-elle complice de cette histoire, peut-être ne nous donnait-elle qu’indices, comme « mises en bouche », à nous de creuser.

Une heure pour se perdre dans une étrange fête, on ignore qui parle, qui sont ces enfants venus s’habiller, se déguiser pour fêter qui ? quoi ?, une noce, un départ ? Lui entend tout, ne comprend rien, commence à assembler les pièces d’un puzzle.

Dans la salle de classe, les mouches pouvaient voler en paix ; les souffles des trente gamins étaient suspendus aux lèvres de Mlle Lanq… , il n’était pas besoin de rappels à l’ordre, nous sortions moitié rêveurs, moitié abasourdis qu’une telle aventure nous fût donnée, en cadeau.

Deux ans après (comment avais-je pu laisser passer ce temps ?!), c’est une grand-mère institutrice qui laissa le livre au pied du sapin de Noël, édité grand luxe par un de ces clubs de lecture auquel elle était abonnée. Je suis entré dans ces pages avec prudence ; avant même que ma mémoire ne se réveille, tout s’est emballé, comme un cheval fou tirant une carriole, je me perdais dans une aventure dont l’étrange fête n’était que le prélude. Il me fallait aller jusqu’au bout, jusqu’au déchirement final, cherchant – en vain – une suite, lisant et relisant les dernières pages où devait sa cacher quelque annonce… Au fil de mes relectures, j’ai compris le pouvoir de la littérature, j’ai accepté, j’ai – qui sait ?- grandi.

Le lieu où j’ai lu ce livre n’existe plus pour moi. Dans mes rêves, je cherche ce domaine lointain où s’est déroulée la fête étrange de ma lecture solitaire.

3 commentaires à propos de “#été2023 #00 | Prologue”

  1. J’ai aimé que la fête soit étrange, et placée sous le signe de la solitude, paradoxe de l’écriture. Le lecteur, comme l’écrivain est seul. Et pourtant…

  2. Bonjour Jean Marie,
    Mélanger le bal perdu du livre et le lieu de lecture perdu ajoute à la nostalgie, fiction de fiction dans le lointain…
    Bonne suite.,
    Cat