Contemplations nocturnes

Le dormeur Tableau de Seurat (crayon sur papier 1883 Musée du Louvre)

Sur un porte-bagage d’un train de permissionnaires, je dors par secousses et en rafales, bercé par les grincements et sonneries des passages à niveau, les claquements de portes et les annonces des gares.

Dans un cratère d’une forêt ardennaise, enseveli sous un tapis de branchage, je guette à la jumelle la venue de chars soviétiques. Sous mes yeux fatigués, les arbres dansent comme une tenture flottant au vent. Frôlements et craquements. Vivement la relève!

Allongé sur trois sièges d’avion, la nuit étoilée perçant un hublot, secoué par les turbulences, mon sommeil court après les fuseaux horaires. Le jour point déjà. Le jet lag m’attend.

L’inconnu de Vincennes m’a proposé un lit douillet. Sur un mur de la chambre, le regard glamour d’une Marylin de Warhol m’invite à la rêverie Je sens un souffle sur ma nuque, une caresse sur l’épaule. C’est toi Marylin? non, c’est moi l’inconnu

A l’arrière d’un camion, une muraille de cartons me surplombe. Installé sur un canapé, étouffant de chaleur, je guette, à travers la vitre de la cabine, le signal libérateur. Va t-il pleuvoir?

Allongé sur le parquet inconfortable, j’essaie de maîtriser un sommeil rétif, sous le regard impassible des figures tutélaires de ce dojo parisien. Mes partenaires dorment déjà à poings fermés. Si j’essayais la position zazen?

Harassé, au volant de ma voiture, je m’arrête sur une aire de repos. Mais pas trop longtemps. Je ferme les yeux…halo de phares, bruit de circulation, étreinte furtive d’un couple. Les yeux bouffis, je reprends la route sous un soleil radieux.

Dans un lit d’un hôtel de bord de mer, je peine à m’endormir. Je me distrais en comptant les morts d’un western diffusé d’une chambre voisine. Combien de tués? je perds le fil. Le jingle de l’émission Top 50 me tire de ma torpeur. Qui sera le numéro un?

Bruits de chasse d’eau, tintements de vaisselle et arôme de café, annoncent une nouvelle journée de labeur. Je reste couché. Dans une heure, le foyer de travailleurs redeviendra silencieux. Je me rendormirai, comme d’habitude.

Je déroule la moquette fraîchement achetée pour bien la détendre. Ses boucles moelleuses sont irrésistibles. Je m’allonge. Je me relaxe. Il fait nuit. On terminera demain.

A propos de Laurent D.

En quête de mots et d'histoires à réinventer