#P2| À la lettre

Amis d’enfance ou d’un jour, parfaits inconnus croisés en rue ou lecture, amitiés virtuelles nés dans l’enchaînement de commentaires et MP, écran interposé avec ou sans insertion d’IRL dans le virtuel , amicales accumulations, avec ou sans accolades : ceux que l’on voit régulièrement, ceux plus rares à qui l’on écrit, moins souvent qu’avant depuis que mail et téléphone ont supplanté les correspondances papier, gain en rapidité d’échange, short message sender, texto, bulle de conversation, short and quick, langage lipogramme, en ligne : un trait gris = en envoi, un trait bleu= envoyé-reçu, deux traits bleus = lu, de grisé à coloré accusés de réception pixellisés ; c’est reçu pourquoi ça reste  lettre morte ? Des nouvelles façons d’attendre s’ajoutent à la surprise du pli au creux du fouillis de la boîte aux lettres, tous les creux où l’on peut la glisser cette lettre qui nous est adressée, qui porte notre nom, le vrai pas celui de l’avatar derrière lequel on se protège sur la toile, palper, tourner, retourner, humer si elle est secrète ou personnelle, garder l’enveloppe, imaginer le contenu, entreposer, soupeser, sonder à la lumière du jour, pousser le plaisir jusqu’à la tombée de la nuit, ne plus tenir. Cachet, autocollant , ou seau de salive en encollage bord à bord, tranchant du coupe papier, ciseaux, ou bout des ongles qui froisse et menace , faire sauter les verrous, délivrer le message, petit à petit déplier les deux plis des trois parties,jeter un œil, furtif, dévorer goulûment jusqu’au dernier mot, nouveau creux pour la glisser, se remémorer se répéter les mots , hésiter, lire et relire… entreposer… se souvenir puis oublier. Retrouver des années après frémissements ou froissé désintéressé, vibrer encore, projeter, rêver, abandonner, espérer sans savoir quoi ou comprendre ce qui ne sera peut-être plus. Lettre aux bords noirs ou boîtes à biscuits découvertes au grenier avec son lot de feuillets jaunis et fleurs séchées et le ruban qui les entoure… découvrir ou non ces chers échangés qui ne nous sont pas adressés, indiscrétion impudeur se délecter des secrets confiés sur ce support qu’un seul clic même accidentel ne suffit pas à effacer, révéler ou non les correspondances clandestines ? lira-t-on un jour les échanges entre René Char et Tina Jolas ?Est ce que d’ailleurs on a toujours envie que l’autre, même l’autre lise ce que l’on a écrit pour lui rien que pour lui ? Jouxter, lire ou lier relire relier, Alejandra Pizarnik- André Pieyre de Mandiargues , Roger Caillois – Olivia Ocampo, les bascules du tutoiement au vouvoiement ; Albert Camus- Maria Casares, lettres de Kafka à Milena Jesenskà et son cortège fantomatique, Cendrars en toutes lettres, Blaise Cendrars -Raymone Duchâteau « sans ta carte je pourrai me croire sur une autre planète », les cartes postales de Butor, les lettres familiales ou familières de ceux qui ont eu la chance que je n’ai pas eue de croiser Philippe Rahmy , celle qui signe ou signa Léonie à qui comprendra « tu sauras qui je suis », l’expéditrice de Leprest qui « rentre sous huitaine, mais arrose les fleurs une fois par semaine » … cairn épistolaire pour ceux tout proche ou vers les confins ; je vous écris d’un pays lointain

A propos de sophie grail

Après une grande vingtaine d’années en région lyonnaise, vis depuis bientôt une petite entre Léman, vallée verte et blanches montagnes... sans renier racines ardéchoises et tête en terres corses, balinaises ou cévenoles... dévoreuse ou passeuse de livres, clame haut et fort les mots des autres ( accompagne aussi depuis quinze ans les élèves de CM2 à jouer avec les leurs et en apprivoiser d’autres) sans jamais trop extérioriser les miens (sauf en labyrinthiques cérémonies secrètes). Alors sourire de me livrer en tiers-livre sans pseudo ni hétéronyme ... (Interviens discrètement sur Facebook via Sophie Sopibali)