Côté corps

Coup au cœur. Il palpite, il se tait, il s’arrête, il repart. Un éblouissement à cette annonce. Jaillissement des larmes. Profuses.

Larmes versées en abondance par celui/celle qui jamais ne pleure — yeux secs, glandes lacrymales vides –. qui est dans l’amertume des larmes non versées. Mécanisme des larmes enrayé, bloqué, ne pas manifester sa douleur en larmes apaisantes. Refus du cerveau, injonction : ce sont les petites filles qui pleurent. Et là soudain, une crue bienveillante, un torrent de larmes de joie. De Joie. L’émotion surgit.

Angoisse. Rêve effrayant. Avoir raté une marche dans l’escalier, chuter brusquement, le vide sous soi. Corps aspiré. Réveil brutal.

Vivre dans l’endormissement la spirale de la chute. Chercher à retrouver le contact du sol avec les pieds, encore endormi puis dans le réveil. Spasmes dans les jambes qui se souviennent de la chute, qui tressaillent, se calment, lâchent prise, retrouvent la réalité, le lit, la lumière. Souffler.

Bourdonnements incessants, continus, graves. Où ? Recherche dans la maison d’un appareil déréglé. Inquiétude. Rien à signaler et pourtant…

Ça se passe dans l’oreille. Des sons fantômes envahissent la tête. Des sons qui n’ont pas de stimulation extérieure. Le crane pourrait exploser sous la pression. Vertiges. Le cerveau invente des sensations, des sons désagréables. Pourquoi désagréables ? Il pourrait donner à entendre des chants d’oiseaux, celui du torrent, des vagues ! Non, ce sont des parasites indélogeables. Ça s’appelle des acouphènes. Vivre avec, tenter de les oublier.

Nuit glacée. Le froid s’insinue dans le corps, au plus profond, attaque les os et leur moelle. Il les paralyse. Au plus profond des os, le froid. Jusqu’à l’intérieur des os. Torpeur. Frissons.

Moourir de froid sur la banquise. Migrants traversant nos Alpes dans la neige, mal chaussés, glacés jusqu’aux os, froid dans leur coeur. SDF livrés à la morsure de l’hiver.

Sous la couette, attendre. Sans force, sans envie de bouger. Os qui blanchissent, deviennent glace, se rétractent. Esprit et corps mêlés. Désorientés. Faut réagir, contrer ce froid qui envahit corps et os. Se lever.

2 commentaires à propos de “Côté corps”

  1. Une succession éprouvante, mais intéressante, quelque chose de très concret, le goût du détail peut-être qui apparaît ça et là. Ça parle de « mécanisme », ça utilise le verbe « rétractent », « attaque », et ce passage vers la mécanique, le rouage peut créer un contraste, une distance peut-être ?

  2. merci pour votre commentaire. Éprouvant ? non ! bien entendu, je n’aurai pas écrit le corps de même manière dans la jeunesse, mais je suis aujourd’hui dans la vieillerie ! Vous lire m’a ouvert d’autres pistes, comment ai-je pu « oublier » ma sortie d’autoroute suite à un endormissement et tout ce qui pourrait s’écrire sur les apnées du sommeil et l’appareil respiratoire qui les apaise ! j’ai toujours essayé d’être dans la distance entre corps et mental. Belle soirée. ici sous la pluie.