Des boîtes

D’abord le goulot surchauffé de l’escalator. Puis au 6eme le large ciel, Paris offert en contre-plongée, hérissé de parallépipèdes coiffés zinc. Ils s’écartent pour laisser place à Saint- Merry, l’hôtel de ville. Les gargouilles de la tour St jacques crachent dans le vide, et contre la masse grise des immeubles plus éloignés, ceux de Notre Dame l’incendiée dorment sous la bâche. Notre Dame comme un cormoran emmazouté cache ses plaies .

En face grandes baies aux vitres couvertes de post-it jaunes, le regard peut plonger un peu et distinguer trois gros Macs en quinconce abandonnés à leur lumière bleutée, des formes s’y contorsionnent qui semblent avoir disparu le matin à l’arrivée d’Aliens affairés reliés au sol par le gros tuyau annelé d’un aspirateur quand ces derniers s’enfuient c’est l’arrivée des costumes cravates avec leur gobelet de café.

Étage du Dessous, l’été dernier c’était atelier de peinture les soirs de semaine, les chevalets me montraient l’évolution des œuvres. En journée ils filaient au fond de la pièce. Le mercredi, c’était atelier Fimo et les cris des enfants traversaient la rue, les autres jours de semaine, des machines à coudre prenaient le relais pour l’atelier couture. A l’automne, l’atelier est devenu vide et désert. Un panonceau d’agence immobilière  accroché au garde-fou en proposait la vente, il battait les nuits venteuses avant de disparaitre à son tour. Il y a eu un genre de fête et le défilé des ouvriers a commencé, dont les bruits mêlés de Raï ont résonné durant trois mois. Cette semaine, des hommes en combinaison blanche ont peint en noir une verrière et en blanc des cloisons nouvelles percées de trous pour les futures prises.  Aujourd’hui les meubles de cuisine sont arrivés. Je crains que demain des rideaux ne me ferment l’aquarium. 

Encore au dessous, les larges baies ont été sablées contre ma curiosité. Il reste 30 centimètres de limpidité qui permettent de distinguer dans la profondeur de l’appartement la couette colorée où se love un petit garçon, la porte d’entrée et le haut des feuillages verts des grandes plantes. Le reste n’est qu’un jeu d’ombres pâles. Auxquels s’ajoute le clignotement estompé des guirlandes aux alentours de Noël. Parfois les fenêtres s’ouvrent sur des meubles de cuisine miel où un homme essuie la vaisselle qu’une femme lave. 

L’ultime

Chacun son trou. Sous un carré d’herbes folles, sous une dalle gravée d’or, sous une photo du temps de la vie, sous des regrets en barbotine, sous un minuscule jardin clôturé dès fois que la mort veuille s’échapper ou un vivant la rejoindre, sous un monument qui s’enfonce dans le sol, sous une croix comme un bijou du ciel. Ils sont au fond, dans leur boite toute fourrée de satin et à longueur de corps, pour jusqu’au bout de la mort vivre leur mort dans leur trou. Les murs du petit cimetière se penchent sur le berceau ultime des tout petits, auront-ils la mort plus longue ? 

A propos de Catherine Plée

Je sais pas qui suis-je ? Quelqu'un quelque part, je crois, qui veut écrire depuis bien longtemps, écrit régulièrement depuis dix ans, beaucoup plus sérieusement depuis trois ans avec la découverte de Tierslivre et est bien contente de retrouver la bande des dingues du clavier...

11 commentaires à propos de “Des boîtes”

  1. Cath, gros coup de cœur pour ‘Des boîtes’. Surtout quand on entre dans l’intimité du bâtiment, les ateliers dessin, fimo, couture, puis ce petit garçon. Très chouette texte.
    Et le second, j’aime les inventaires, donc, merci pour ce petit voyage.

  2. Super ce défilé ! Tout est mesuré et très finement présenté. L’ultime et sa conclusion tellement poetiques… Merci.
    Adoré aussi TOMBE mais j’avais laissé un commentaire que je n’ai pas enregistré…😉