#voyages #prologue | S’il m’en souvient

S’il m’en souvient j’étais en Casamance, à Ziguinchor, y assistant à un concert de Youssou N’Dour dans le stade de football Jules François Bertrand Bocande.

S’il m’en souvient j’étais à la Noordzee, dans le sillage de Marie Polders, côté ouest, La Panne, Saint–Idesbald, qui s’appelle encore comme ça aujourd’hui ?

S’il m’en souvient j’étais à Kimbongo, près de Kikwit, à ne pas savoir si la vie d’un homme peut racheter une part de dette coloniale.

S’il m’en souvient j’étais à New York au temps des Twin Towers, avec l’académie de Liège, à expérimenter une délocalisation de la Saudade.

S’il m’en souvient j’étais à Houte-si-plout, écoute s’il pleut, où un homme de trente ans n’avait pas encore assassiné une adolescente de quinze ans.

S’il m’en souvient j’étais à Montréal pour un voyage d’étude mixte.

S’il m’en souvient j’étais à Maastricht un vendredi pour le marché aux poissons de la Boschstraat, avec un détour par le marché aux herbes.

S’il m’en souvient j’étais à Trieste pour célébrer l’Arte dai Confini, logeant dans une auberge près du château de Miramare.

S’il m’en souvient j’étais à Marseille pour voir le Mucem de Rudy Ricciotti, aussi architecte de la Boverie à Liège.

S’il m’en souvient j’étais à Avignon où les cellules de l’ancienne prison Sainte Anne hébergeaient des œuvres d’artistes contemporains de la collection Lambert.

S’il m’en souvient j’étais au Fayoum, des portraits plein la tête, dormant à la belle étoile aux portes du désert.

S’il m’en souvient j’étais en Andalousie, Malaga Picasso, Ronda Arenas, Granada Alhambra.

S’il m’en souvient j’étais à Ostende où dans les galeries royales planaient les ombres d’Arno, Marvin Gaye, Ensor, Spilliaert.

S’il m’en souvient j’étais en Crète, près de Cnossos, à manger des olives noires Stafidoelies offertes par de généreux villageois.





Je ne me souviens plus si j’étais au Japon à ne pas savoir vers où tourner la tête.

Je ne me souviens plus si j’étais à Tolède à tendre le cou vers El Greco.

Je ne me souviens plus si j’étais à Napoli à la recherche de la meilleure pizza du monde.

Je ne me souviens plus si j’étais à Buenos Aires à commercer avec des Roumains.

Je ne me souviens plus si j’étais à Rome sur la piste de Fellini et des sœurs Minardi.

Je ne me souviens plus si j’étais à Barcelone à faire chaque jour dix milles pas sur les Ramblas.

Je ne me souviens plus si j’étais en Chine à faire chaque jour dix milles pas sur la Grande Muraille.

Je ne me souviens plus si j’étais à Moscou à faire chaque jour dix milles pas sur la Place Rouge.

Je ne me souviens plus si j’étais au Pôle Nord à faire chaque jour dix milles pas sur la banquise.

Je ne me souviens plus si j’étais au Sahara à faire chaque jour dix milles pas dans le désert.




2 commentaires à propos de “#voyages #prologue | S’il m’en souvient”

  1. Quelques pas dans vos textes, dix milles c’est vite fait entre les souvenirs et les oublis, j’ai bien aimé la promenade.