écrire-film #02 | décortiquer 1 minute | l’insoutenable légèreté de ta lettre

Correspondances Publiées

POINT DE DEPART du FILM Un constat -confetti :

Quand les gens meurent, on retrouve parfois leurs lettres reçues, pas souvent leurs réponses.

Parfois on ne retrouve rien. Ont -ils écrit ou reçu des lettres ?

On ne s’intéresse souvent qu’à la correspondance des gens célèbres post-mortem, avec permissions et post-sriptum impossibles à solliciter de la part des intéressé.e.s . Les ayant-droits ne sont pas toujours à la hauteur et respectueux, sans compter les spéculations déplacées sur les documents olographes. Je pense aux écrits d’Antonin ARTAUD, laissés chiffonnés sur de grosses tables d’asile, puis jetées par les gardiens, sans discernement. C’est mon Ami disparu André ROUMIEUX, écrivain -infirmier à VILLE EVRARD co-créateur de la S.E.R.H.E.P laquelle a exhumé le dossier d’internement de Camille CLAUDEL, qui a raconté cela dans ses livres et de vive voix.. J’en reparlerai.

Si on voulait vraiment protéger ses lettres.On pouvait aussi les faire disparaître ou les confier à un notaire,avec risques et périls Comment savoir si elles existent si elles sont mises sous scellés ?.Mais ce n’est pas l’usage courant du courrier tout venant. On se sert des envloppes pour réécrire dessus et économiser le papier… Mais le contenu est resté. On n’a pas pu le jeter. On n’y s’est pas résigné.e.s. Pourquoi garde-t-on des lettres par devers soi ? Qu’attend-t-on des « vraies  » lettres ? Attend-t-on des lettres aujourd’hui ? Pour quoi dire ?

On entend souvent la blague : – Je vous ai mis quelque chose dans la boîte aux lettres. Et la réponse goguenarde : – J’espère que ce ne sont pas des factures , je préfère les lettres d’amour.

J’ai connu une femme écrivain public qui aidait les gens à écrire des lettres , des lettres d’amour , des lettres de réclamation , des lettres d’administration, des lettres pour renouer et même des lettres d’insultes. L’important était de les avoir écrites , les envoyer vraiment, restait dans le registre de la liberté individuelle. Elle avait toutes sortes de plumes, d’encres , de papiers, de buvards à leur prêter, et elle se déplaçait , y compris sur les marchés, et dans les lieux clos, les asiles, les prisons même, si je me souviens bien. Elle avait eu une correspondance avec un malade délirant devenu probablement amoureux d’elle et qu’elle n’a jamais rencontré ou peu. Elle l’a certainement empêché de mourir… Elle a écrit plusieurs livres, elle vit toujours dans le Sud, elle s’appelle toujours Michèle REVERBEL -DAMASSO , elle est retraitée, mais parler d’elle prendrait plus d’une minute. Elle a animé des ateliers d’art postal car elle aime recevoir et envoyer des lettres, avec de vrais timbres. Cela se fait encore de façon marginale. L’Art Postal devrait faire partie du Patrimoine de l’humanisation. planétaire.Comme indicateur optimiste du droit à l’apprentissage de l’écriture et de la lecture pour pouvoir dialoguer avec ses contemporain.e.s. Il y a encore du Taf comme il se dit de nos jours.

Nos LETTRES espérées, réelles ou virtuelles n’ont rien à voir avec les textos et les autoroutes de la fibre numérique qui dépersonnalisent les moindres phrases les truffent d’émoticônes équivalent des post-it sur le frigo. Il va falloir y réfléchir.

J’ai rencontré Martha par télé importation télépathique, elle m’a raconté la minute très bizarre de sa lecture solitaire, une lettre d’amant. J’ai guetté sa réaction, je l’ai décortiquée.. comme on ouvre  » la boîte à mort  » d’une sépulture égyptienne, avec ses bandelettes ( expression entendue dans la bouche de Jane BIRKIN) J’ai gardé son secret pendant 150 ans, mais je suis obligée de me défaire de cette charge car il faut que je trie mes propres lettres. Ses descendants sont oubliés ils ne nous feront aucun procès.

RECITANT ( introduction)

Si on s’intéresse vraiment à ce que les épistoliers.e.s se sont dit , décrypter leurs secrets d’alcôve ou de commerce, il faut aller dans les greniers, les hangars, les caves humides, les vieilles armoires, les vieux tiroirs oubliés,les belles armoires indéplaçables et vermoulues, les coffres de voyage, les mallettes en métal, ou mieux les boîtes à biscuits décorées et martelées, au pire en de vieilles boites en bois recouvertes d’étoffes et enterrées dans un coin sombre du jardin, sous une grosse pierre banale et complice. Tout un art de la préservation incertaine, avec les rubans de soie, les étiquettes à demi effacées, le soin ou le vrac ça dépend des circonstances… les méthodes se ressemblent. Il s’agit de cacher des feuillets fragiles à la vue et surtout à l’indiscrétion.

Tout est possible , tout est permis… Viens , je suis là, je n’attends que toi… Viens écoute, ces mots qui vibrent , sur les murs , du mois de Mai …

Une chanson d’épistolier.e.s demeurée dans leur gorge. Lettre suit ?

Un PERSONNAGE fait son entrée

C’est une femme à robe longue, plusieurs épaisseurs, peu d’apparat,aucun bijou et des couleurs fades, proches de l’humus, des textures et des teintes pastels, proches du lin ; des sous-vêtements en coton blanc dont les manches et le col pauvrement fanfreluchés dépassent bêtement ; tenue d’intérieur sobre ou costume vite enfilé, une dégaine de servante, dans une maison un peu trop grande à entretenir, un peu trop froide. Elle a les yeux clairs et jeunes, une carnation poupine sur ses joues rougissantes, des paupières ornières rétives au regard qui cherche parfois le sien, entre deux portes, deux vaisselles, deux lessives, deux corvées. Image d’Epinal et de bonne santé campagnarde. Elle ne doit pas se rapprocher des garçons. Elle sait se tenir mais elle est craintive, imaginative et surtout ,mal informée, en tout cas soucieuse de convenance, et d’interdits stricts bien assimilés. Tout peut arriver, tout est possible, tout n’est pas permis.

Martha s’approche de la fenêtre pour rameuter la chaleur de quelques rayons de soleil et leur lumière, elle tire furtivement une lettre d’en dessous des plis de sa robe, soulevant son tablier blanc. Elle n’est pas la bourgeoise élégante de Jan Wermeer.

On devine une aubaine. On pressent une transgression. On ne voit rien de précis dans les traits du visage. On ne sait pas. On attend la suite.

On déjà vu une telle femme dans un tableau de maître : La pourvoyeuse de Jean Siméon Chardin par exemple,que tu aimes tant pour son air de défiance, c’est à coup sûr une casanière » experte, » une assignée plutôt, elle s’occupe donc des choses de l’intendance, elle n’a pas du temps à elle – pour lever le nez ! – comme on dit en réprouvant – lever le nez de son ouvrage ancillaire… Mais là, surprise ! – elle a une minute de libre… pas davantage… Elle se l’est inventée sur le champ, c’est miracle ! On ne sait pas ce qu’elle va faire après ce geste furtif de sortir la lettre des tissus froissés… presque en cachette… comme pour un défit ou un délit.On regarde.

Lieu d’écriture

TEXTE EN COURS D’ECRITURE – LE TITRE CHANGERA PEUT-ETRE A LA FIN

Suite :

Elle n’est pas la bourgeoise élégante de Jan Wermeer.

D’extraction plus modeste, voire de non loin d’un caniveau, Martha travaille à la tâche dans cette grande maison bourgeoise et ne sait si elle sera durablement embauchée.On est dans une époque ou se faire débaucher du jour au lendemain pour une broutille, un regard mal placé, une chose mal rangée ou une tache mal placée est facile. Une faute de cette sorte condamne à la relégation immédiate et définitive, on peut se faire chasser avec mépris et arrogance. Martha ne l’ignore pas mais ce matin elle a volé une lettre à sa patronne . Un laquais qui avait juste sonné à la porte, l’avait fait déposer sur une coupelle en étain, dans le vestibule. Un enveloppe parme et parfumée scellée par un cachet de cire rouge. aucune adresse d’expéditeur mentionnée, elle patiente sur une desserte de bois fin que rehausse une marquetterie aux motifs forestiers.

A propos de Marie-Thérèse Peyrin

L'entame des jours, est un chantier d'écriture que je mène depuis de nombreuses années. Je n'avais au départ aucune idée préconçue de la forme littéraire que je souhaitais lui donner : poésie ou prose, journal, récit ou roman... Je me suis mise à écrire au fil des mois sur plusieurs supports numériques ou papier. J'ai inclus, dans mes travaux la mise en place du blog de La Cause des Causeuses dès 2007, mais j'ai fréquenté internet et ses premiers forums de discussion en ligne dès fin 2004. J'avais l'intuition que le numérique et l 'écriture sur clavier allaient m'encourager à perfectionner ma pratique et m'ouvrir à des rencontres décisives. Je n'ai pas été déçue, et si je suis plus sélective avec les années, je garde le goût des découvertes inattendues et des promesses qu'elles recèlent encore. J'ai commencé à écrire alors que j'exerçais encore mon activité professionnelle à l'hôpital psy. dans une fonction d'encadrement infirmier, qui me pesait mais me passionnait autant que la lecture et la fréquentation d'oeuvres dont celle de Charles JULIET qui a sans doute déterminé le déclic de ma persévérance. Persévérance sans ambition aucune, mon sentiment étant qu'il ne faut pas "vouloir", le "vouloir pour pouvoir"... Ecrire pour se faire une place au soleil ou sous les projecteurs n'est pas mon propos. J'ai l'humilité d'affirmer que ne pas consacrer tout son temps à l'écriture, et seulement au moment de la retraite, est la marque d'une trajectoire d'écrivain.e ou de poète(sse) passablement tronquée. Je ne regrette rien. Ecrire est un métier, un "artisanat" disent certains, et j'aime observer autour de moi ceux et celles qui s'y consacrent, même à retardement. Ecrire c'est libérer du sentiment et des pensées embusqués, c'est permettre au corps de trouver ses mots et sa voix singulière. On ne le fait pas uniquement pour soi, on laisse venir les autres pour donner la réplique, à la manière des tremblements de "taire"... Soulever l'écorce ne me fait pas peur dans ce contexte. Ecrire ,c'est chercher comment le faire encore mieux... L'entame des jours, c'est le sentiment profond que ce qui est entamé ne peut pas être recommencé, il faut aller au bout du festin avec gourmandise et modération. Savourer le jour présent est un vieil adage, et il n'est pas sans fondement.