Écrire-film. #5 Pousser la porte. Vertiges dans le réel.

Je voudrais être dans la tête de Koltès au moment où il entre dans le théâtre pour la représentation de « Médée » de Sénèque avec Maria Casares.Il a été médusé par sa puissance, soulevé par sa force. Je le vois avec sa bienveillance et sa luminosité. Maria Casarès, Il l’a vue peu par la suite mais ce qu’il avait vu comptera pour toujours.

Je voudrais être dans la tête de Koltès au moment où il écrit « solitude des champs de coton ». Il a été seul, il a traversé nos vies dans une grande solitude de pensée, il avait trop de force, difficile d’y avoir accès. Quand il dit : »Il n’y a pas d’amour. Non, vous ne pourrez rien atteindre qui ne le soit déjà, parce qu’un homme meurt d’abord puis cherche la mort et la rencontre finalement, par hasard, un trajet hasardeux d’une lumière à une autre lumière, et il dit donc ce n’était que cela ». C’est un errant, un baladeur toujours dans les confins du monde, des endroits éloignés, perdus. Les racines ça n’existe pas, il existe n’importe où des endroits à un moment donné, on s’y trouve bien dans sa peau.

Je voudrais être dans la tête de Koltès au moment où il écrit sur les personnages qui ont envie de vivre mais en sont empêchés : ce sont des êtres qui se cognent contre les murs. Et le théâtre, c’est cela, on est confronté à des obstacles, « Je suis là pour montrer, pas pour résoudre. » Il parle de ceux qui n’ont pas les clés, ou pas les codes, qui sont à la ramasse. Je voudrais entrer dans son oeuvre et m’y retrouver ou me perdre, comme tous ceux autour de nous qui ne savent pas, n’ont pas appris. Il ne juge pas, ne condamne pas, il constate. Et ça libère quelque chose.

je voudrais être dans la tête de Koltès pour écrire avec lui « La nuit juste avant les forêts » facile de se mettre avec cet homme qui traverse une ville en sortant, éructant, criant ou murmurant son désarroi, sa peur. C’est un morceau brute de prose, un monologue, rien ne vient interférer dans ces instants où il crache ou murmure, ou se tait un instant. Est-ce là que Koltès se rejoint ? Un déraciné comme on en voit partout dans le monde ? Il donne voix à tous les muets, les sans-paroles. Il erre dans la nuit sous la lumière des lampadaires,  Il erre en parlant tout seul.

7 commentaires à propos de “Écrire-film. #5 Pousser la porte. Vertiges dans le réel.”

  1. Je ne connais pas Koltès, en te lisant je n’ai qu’une envie, celle de le rencontrer. Merci et bravo. Si tu as un texte à me conseiller, je suis preneur.

  2. (Maria Casarès c’est une de mes préférées) (avec Ava Gardner) (et Anna Magnani) (enfin bon – que des brunes tu remarqueras) (non Monica Vitti aussi) (enfin plein) (et Koltès a quelque chose de violent aussi – c’est vraiment bien ce que tu écris sur lui) (magique (j’interprète) solitaire (si seul) et parfois tellement noir…) (mais « la nuit avant les forêts » (ne manque pas celui-là Laurent Stratos – au moins) formidable – et ce que tu en dis, Simone : tellement bien) – bravo !

    • Merci Piero de ce commentaire. Oui, je commence à te connaître, un peu, par tes articles sur le cinéma. J’ai vu que tu aimes Maria Casarès et puis bien d’autres.
      J’ai vu le film de « La nuit juste avant les forets » Bouleversant et noir, oui. Ton commentaire aussi m’a émue, je t’en remercie beaucoup.

  3. Je voudrais être avec toi Simone, quand tu écris  » je voudrais être dans la tête de Koltes pour écrire avec lui … » car je te rejoins tellement, j’aime tellement son écriture à lui, et cette solitude, et ce titre si magnifique « dans les champs de coton »
    oh la la ! merci Simone !

  4. Merci, Françoise. Et oui, tu es avec moi avec François Laurent Piero et Koltès en ce moment où on parle de lui. Je le découvre bien tard, il m’aide à dire. Merci infiniment de ce partage.

  5. Que c’est beau Simone Merci… me souviens de ces heures avec les mots de K. et tu apportes une lumière