#enfances #02 (3) | les colis kraft qu’elle recoit ficelés du bazar de l’hôtel de ville et on attend qu’elle déchire le papier pour s’exclamer

Les grands ciseaux de cuisine pour couper la ficelle; le scotch de la couleur du papier d’emballage (un peu plus foncé peut-être… une ou deux valeurs) qui cache les toiles à peindre toutes préparées qu’elle a reçues du Bazar de l’hôtel de ville … avec son ongle elle gratte pour soulever un coin du scotch, elle tire doucement (comme enlever une croute au genou)… le scotch résiste elle tire plus fort le papier se déchire : ce bruit (ce goût du papier qui nait avec la sonorité de son geste) Déchirer ( la soie usée d’un foulard qui se déchire..). Viens! à toi… tire n’aies pas peur! Des lambeaux de papier me restent dans la main, puis c’est ce grand morceau … Le morceau de Kraft est plaqué au sol; de la poche de son tablier à grosse fleurs, taché de peinture et de sauce, elle sort une craie, une sanguine … Regarde on va faire venir la matière : elle frotte… les veines du bois, les lignes du parquet naissent à la surface du papier d’emballage : décalque ? frottis ?  poncif ? À toi maintenant ! J’ai posé une pièce de cinq francs sur la table de la cuisine j’ai vu la figure et les chiffres apparaitre, les briques sur le rebord de la fenêtre, l’usure du mur dans le couloir… dans la matière il a des têtes : une foule grimace ou c’est une poule grimpée sur un nuage …

A propos de Nathalie Holt

Rêve de peinture. Quarante ans de scénographie plus loin, écrit pour lire et ne photographie pas que son lit.

6 commentaires à propos de “#enfances #02 (3) | les colis kraft qu’elle recoit ficelés du bazar de l’hôtel de ville et on attend qu’elle déchire le papier pour s’exclamer”

  1. Merci Nathalie Holt pour ces gestes rappelés qui font « venir la matière ». Ils me donnent une grande envie de retrouver le plaisir tactile des morasses et les taches d’encre qu’elles faisaient aux mains chargées de les corriger. Désirs aussi d’aller « morasser » les pierres dans la nature, les roches abruptes, les granits arrondis, les schistes rugueux : les encrer de pigments, brosser le papier humide posé dessus, signer le bon à tirer sans crainte parce que les pierres ne mentent pas. Merci Nathalie pour les matières à venir.

  2. Merci pour la lecture Ugo et de m’apprendre le mot morasse … ( la dernière épreuve d’une pierre une emprunte de sa surface ) … les pierres ne mentent pas mais elles peuvent faire des coquilles

  3. en tout cas, pour du titre, c’est du titre… (une pièce de 5 francs, ma grand-mère (elles’appelait Louise, on l’appelait Malou) (je l’aime toujours) en mettait une dans un verre d’eau qu’elle jetait derrière nous quand on s’en allait en voyage)

    • Malou pour Louise c’est joli… et la pièce dans le verre d’eau (j’ai une amie qui le fait ( ça lui vient de la grand-mère aussi mais sans la pièce ) … Merci Piero

    • merci beaucoup Véronique (reprendre, compléter : il faudrait ) … j’ai rejoint venue ce cycle pour me contraindre à des retours arrière qui ne me sont pas familier…