#enfances #03 | une quête

Perdu… pourtant désireux de franchir l’incompréhension, s’entêtant, revenant un peu en arrière jusqu’à ces mots à partir desquels il a buté, comme prenant élan, s’arrêtant, laissant pénétrer les idées.

Perdu, pourtant certain que cela lui importe, son front penché sur la page, ses yeux qui se lèvent, trouvent la lumière de la fenêtre, trouvent mes yeux, se détournent pour refuser l’aide.

Perdu au seuil du langage portant les idées des adultes, au seuil de ce qu’il appelle, à tort ou à raison, d’un mot qu’il vient de découvrir, notion, au seuil de ce qu’il désire, au seuil de ce qui peut justifier la beauté de la vie.

Perdu, maintenant les yeux fixés sur un détail du tableau près de la fenêtre, quelque chose d’infime, chantonnant une sorte de mélopée, vérifiant sur sa tablette le sens d’un mot, il sourit, prend appui.

Il sourit, les sourcils un peu froncé, il reprend le livre, chasse d’un geste de la main mon attention, il se hisse avec les mots.

Il se hisse et la petite tension qui se devinait à peine sur son visage s’efface lentement, il parcourt maintenant le texte et ses lèvres s’entrouvrent, libèrent le souffle dans un sourire… je sens que le souvenir d’un jour très lointain dessine sur mon visage en écho un sourire. Il se retourne les yeux brillants, il me toise avec l’agacement que l’on a pour un importun indiscret.

A propos de Brigitte Célérier

une des légendes du blog au quotidien, nous sommes très honorés de sa présence ici – à suivre notamment, dans sa ville d'Avignon, au moment du festival... voir son blog, s'abonner, commenter : Paumée.

13 commentaires à propos de “#enfances #03 | une quête”

  1. je garde dans le corps ce « Perdu, maintenant les yeux fixés sur un détail du tableau près de la fenêtre, quelque chose d’infime, »
    ce quelque chose d’infime m’interpelle
    et très beau la reprise du « il se hisse » en transition de l’avant dernier et dernier fragment, mais qui est ce « il » ?

  2. aimé cette insistance de l’enfant, insistance à comprendre, entêtement. qu’il y ait là un enjeu. et ce désir de faire son chemin seul, s’aidant des outils d’aujourd’hui.
    aimé le regard en surplomb, attentif, sa retenue, son amour.
    « l’agacement pour une opportun indiscret » !!
    tout très juste, très fin

  3. On est avec lui totalement : son attention tout à la fois têtue et flottante, ses échappées pour reprendre souffle. «  il se hisse avec les mots » c’est très beau.

  4. « il se hisse avec les mots » Il toise l’aidante pour regarder au-delà de ses yeux et de sa sollicitude. Il veut au final s’en sortir par ses propres moyens. C’est dur de grandir et de « gravir » dans une langue. Il faut « pourtant » continuer à le regarder, ne pas lâcher le fil qui le relie à ses espoirs d’émancipation. Votre texte en escaliers de hauteur inégale parle de cette belle expérience que vous avez des êtres demandeurs de mots.