#été2023 #00 | roman

   Si je ne devais choisir qu’un roman actuellement, car souvent des changements se font à ma réflexion, ce serait une histoire d’elle et de lui. Elle meurt à la fin et lui survit, assagi par une épique traversée. L’exact inverse on pourrait dire, de tout ce que j’ai appris en tradition où lui, souffre le martyre, abandonné tandis que elle, à ses pieds, imperturbable de sagesse lui survit dans une encore plus grande sagesse qui serait méditation et tristesse insondable s’il ne revenait pas se présenter à nouveau à elle et à tous.
   Dans ce roman-ci, elle, est considérée comme une mauvaise fille au début et lui est un sage aguerri mais sensible à ses souffrances dues à sa grande misère, touché par sa condition misérable, elle prise dans un esclavage intolérable et n’étant jouissif que pour les escavagistes trouvant un malin plaisir dans la peine de cette pourtant assez jolie jeune fille qui pour lui, mérite mieux que sa souffrance contrainte. Il risque alors sa haute condition sociale et familiale pour la sauver et la protéger. Ils fuient ensemble les dictatures sociales, étatiques, royales, familiales dans une course poursuite effrénée et désespérée et ce jusqu’en Amérique, fondant leur vie nouvelle là-bas plus belle, bucolique et meilleure. Mais ils devront s’enfuir à nouveau malheureusement encore pourchassés. Elle est plus fragile que lui, perd toutes ses forces et, il doit avec tristesse l’enterrer, rattrapé par toutes les autorités morales.
   Racontée de cette manière, l’histoire de cet Amour pourrait paraître triste. Or ce n’est pas cela. Son rythme est comme le galop d’un cheval piqué par une ronce rencontrée en début de promenade, telle la blessure que ferait Cupidon au coeur d’un sage. Et l’on est emporté avec eux vivant littéralement, littérairement leurs aventures foisonnantes et multiples avec un vrai bon sentiment d’empathie, autant pour elle que pour lui, et écrit dans la belle langue du XVIIIe siècle comme si c’était avant hier.
   Un roman qui m’a ainsi touché , marqué personnellement par son entrain, la clarté de son écriture et la dialectique entre plaisir et morale en tension, autant dans le récit que dans l’écriture même du roman, cette problématique du maître et de l’esclave ici en quelque sorte momentanément résolue par l’amour un temps salvateur autant pour lui que pour elle. Et cette sensation que le romancier même a pris plaisir à écrire cette histoire aventureuse sur le chemin d’une recherche du bonheur et de l’amour irrésistible, intranquille comme fleuve de cascades et d’encre et les sursauts de la veille de la révolution française.
   Et pour moi la meilleure page qui illustre ma préférence pour ce roman est cette phrase : « Amour, Amour ! s’écria ce grave magistrat en me voyant sortir, ne te réconcilieras-tu jamais avec la sagesse ? » (p.256).
   Un roman qui m’avait été conseillé de lire depuis des années, époque triste où j’étais dans une telle grande solitude que je lisais un livre de Dale Carnegie, « Comment se faire des amis ? » et avais pris le risque de mettre une petite annonce dans une revue littéraire : « Recherche amitié et littérature pour échange épistolaire », quelque chose comme cela. Et par correspondance, l’on m’avait conseillé ce récit. Je me suis dû après 34 années passées, de le lire par respect pour mon ami épistolier. Et je ne suis pas déçue du tout. L’histoire est magnifique dans la langue claire et limpide du XVIIIe.
   C’est une lecture récente faite sur ordinateur, d’où un effet de paradoxe et d’ensemble à la fois entre passé et présent. Mais la relecture se fera volontiers sur papier pour moi, de livre Folio cette fois. Je n’ai parlé de cette lecture pour l’instant qu’à un de mes frères et son épouse qui connaissent le roman et m’ont confirmé aussi son intérêt et l’agrément qu’il procure. C’est l’atelier ici même qui m’a encouragé et je l’en remercie, à en parler.
   Un livre beau, élégant, aventureux, qui pousse à vivre et à écrire avec un beau langage. Livre des classes et cursus universitaires de lettres, pour ma part jamais étudié en cours. Beaucoup de tendresse et de fraîcheur m’en reste en souvenir, avec un brin de nostalgie comme après une belle histoire d’amour, une fois la page tournée. L’avantage du livre, c’est que l’on peut à tout moment y revenir, s’y replonger à nouveau.
  Merci.

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