Il Brel corps

Né un dimanche, né en avance, né l’aîné. Puis je a attendu, s’est laissé faire. La fabrique de carton. Il pleut, pas sa faute, jeunesse catholique. Agenouillé pour rien, s’ennuie en silence. Puis de grisaille en silence, le corps s’éveille. J’ai eu la belle vie, j’ai parlé, dit-il. Dans le cocon, l’enfant-roi. Mais DEHORS je a cessé de parler DEHORS je a tremblé DEHORS les bras trop longs DEHORS trop maigre DEHORS il a chanté DEHORS il a lavé le bassin à la brosse métallique DEHORS j’ai hurlé Amsterdam DEHORS les dents du cheval et le cœur de l’agneau DEHORS peur de tout DEHORS peur d’elle surtout DEHORS il n’avait pas – je n’étais pas lui – l’énergie du ventre l’énergie du DEDANS le ventre quand Brel avant chaque concert vomissait ses tripes pour que DEDANS soit DEHORS. A-t-il jamais rien fait d’autre que croquer le silence de son je avorté ? A grandi trop vite, courbé, taiseux, sans je à crier. Des boutons partout sur le visage, il a chanté – devant eux il a chanté ce qu’il n’arrivait pas à dire, il a chanté je vous ai apporté des bonbons il a dit qui dit oui qui dit non devant la grand-mère effrayée il a gueulé ils pissent comme je pleure il a peu pleuré – un homme ça ne pleure pas – il a vu son père pleurer à la mort du grand-père dans l’écurie il a murmuré tout bas tu pères encore quand le père a perdu le grand-père à cause du cœur –  toujours le cœur – ils n’ont qu’un cœur pour deux et le grand-père n’avait qu’un poumon à cause des cigarettes trois paquets pas jour c’était la dose et le poumon a cramé et le cœur a fait trois infarctus et pour le grand-père ça a été un de trop et il est parti aux Marquises et j’ai entendu des points de silence – ce n’était pas l’été, il était l’été et je suis le soir – puis le cancer l’a rattrapé et l’arrêt de l’arbitre a mis fin aussi à cet homme qui n’avait pas peur de dire je. L’autre a parlé tout seul dans son lit et il a pris l’avion et il a chanté je suis un gars bien ordinaire et il a bu de la bière et il a repris l’avion en sens inverse et elle – il a compris plus tard pourquoi Brel était si misogyne – a dit tu m’as manqué et il a aimé ce tu. Fut fou. Lui a écrit. N’aurait pas dû. Ce qui aimait, c’était le ventre, c’était l’énergie du ventre en DEDANS l’énergie restée DEDANS l’énergie s’acharnant DEDANS le ventre tant d’énergie DEDANS le ventre et rien DEHORS et elle DEHORS et l’énergie DEDANS le ventre désespoir alors ses amours ont eu mal aux dents puisqu’il n’était DEHORS qu’un gars bien ordinaire qui DEHORS boit de la bière et qui DEDANS se frotte le ventre sur ventre des femmes DEDANS sa tête seulement les ventres se frottent DEHORS il ne se passe rien DEHORS elle a fui DEHORS il n’y a pas de je et il a refusé qu’elle le laisse devenir l’ombre de mon ombre. A pleuré. Voir un ami. A ri. Jean qui rit gens qui pleurent c’est la fête. Tu ris. Et l’autre au fond du cimetière qui refait l’Olympia. Les hommes pleurent on hésite on titube on repart les hommes ça lit ça écrit ça use des lutrins. Il a joué. Perdu gagné reperdu. A fait semblant de jouer à la guerre. Sans le corps. On lui a parlé allemand il a fait semblant de ne pas comprendre en a eu des cauchemars. A chanté je veux qu’on rie je veux qu’on danse d’avoir trop ri je veux mourir mourir de rire je veux rire de toute une dent je veux qu’on rie je veux qu’on danse et qu’on tourne et qu’on danse d’avoir trop pleuré je veux qu’on rie je veux qu’on danse une valse je veux bâtir un roman tu es dans mes bras je veux qu’on s’amuse comme des fous. S’est-il assagi ? S’est habillé des rêves de Don Quichotte. L’un s’est racrapoté. L’autre va mourir. Il arrive. Il prendra le train que je peux.

A propos de Vincent Francey

Enseignant, chanteur et clarinettiste amateur, je vis dans la région de Fribourg, en Suisse, et suis passionné de lecture et d'écriture depuis toujours, notamment via mon site a href="https://www.lie-tes-ratures.com/">lie tes ratures mais aussi sur un blog né à la suite de l'atelier d'été sur la ville : fribourgs.com. Auteur d'un livre autoédité, Je de mots, dictionnaire intime, je suis également présent sur YouTube pour, entre autres expérimentations, y parler de mes lectures.

Un commentaire à propos de “Il Brel corps”

  1. nos familles qui fabriquent un je qu’elles nous imposent et le je affiché et le il ressenti ou le il affiché et le je qui n’existe qu’ailleurs…
    est-ce bien cela ?