INTERSTICE #01 | AQUARIUMS & ZOOM 3D (Fil Berger) version 1

I.

Une télé à tube cathodique ramassée sur le trottoir. L’écran dépoli percé avec un petit clou. Le gaz s’échappe. Ne pas trop rester dans les parages. Éclater l’écran avec un marteau pour élargir l’accès à l’arrière. Le mécanisme intérieur désossé et jeté. Percer des fenêtres sur les faces latérales de bois ou de plastique. Installer une ampoule à filament dans le nouveau vide intérieur. Le tapisser de feuilles d’alu. Remplir cette nouvelle télé avec des objets, des personnes, des rues et des villes. allumer la télé.

II.

Le plus vieux cinéma de Paris (Rialto). Boîte noire trop petite ? La cabine de projection n’est pas derrière les rangs de velours rouge. L’écran est une vaste surface de verre solide, translucide et convexe. Juste de l’autre côté, les deux Victoria IV projettent la pelloche montée à l’envers. Enchaîner les bobines et envoyer directement, frontalement, au cœur de la salle, l’immense des plaines de l’Ouest, les ruelles de Shanghai, la profondeur du temple de Shaolin… dans les yeux, autour des spectateurs.

III.

Passer voir dans les néo-quartiers. Voir comme les tours, les immeubles, les jardins, les jardinets, les déserts urbains, les placettes, tout, arbres y compris, ne sont en aucun cas implantés dans un sol. Des ultra-habiles coupes de « vide » séparent tous les éléments sans aucune exception, et forment des transparences inimaginables a priori entre les choses des architectes-urbanistes. Ces néo-espèces d’espaces sont bien plutôt, à la lettre, explantés du sol depuis des logiciels 3D. Des humains vivent là.

IV.

Afin d’entrer dans un lieu, il faut taper un écran. Il n’y a pas forcément de mur. Il n’y a pas de fenêtre tout le temps. Des oiseaux électroniques veillent les corps des urbanistes morts d’avant. « Entrer » est aussi nécessaire que « sortir ». Dans les deux cas, frapper un écran. Il n’y a pas tout le temps de mur. Pas forcément de fenêtre. Des passants électroniques stoppent leur pas et entourent un arbre. Ils conciliabulent. La police de la pensée 3D les disperse. Ne pas frapper. L’écran est devenu tout le lieu.

V.

Pour arriver depuis la rue de dehors jusqu’à l’open-workspace, présenter un badge au portillon qui conduit à une rue du dedans (bordée de pseudo-réverbères et de coursives carcérales) explantée dans le bâtiment. Puis présenter le badge dans les ascenseurs. Arrivée à l’étage. Présenter le badge à la très belle première porte d’un sas. Le présenter à la moins belle autre. Suivre un couloir translucide et s’asseoir en 3D. Au-dessus, une verrière surmontée d’une tourelle transparente. Trajet panoptique.

A propos de Fil Berger

Fil Berger, je, donc, compose les textes qu’il écrit avec des artefacts sonores et graphiques et ses pièces musicales avec des artefacts d’écriture et graphiques. Le tout cherche, donc, une manière d’alchimie modeste située entre ces disciplines. Il a publié des livres d’artiste avec le plasticien Joël Leick chez Æncrages et Dumerchez. Quelques revues comme Paysages écrits, Traction Brabant ont retenu des textes. Il a travaillé et composé des pièces musicales documentées sur CD. Il a partagé pendant plus de vingt ans des moments de création avec des chorégraphes, des plasticiens, des auteurs, des improvisateurs et des compositeurs. Il a animé des ateliers d’écriture et de partitions graphiques avec des personnes de toutes sortes. Fil Berger, je, donc, est un improvisateur qui compose et performe en forgeant ses propres outils, ses champs lexicaux, ses instruments, sa présence au monde en les mettant sans cesse en variation continue. Son travail est la recherche de convergences multiples entre... l’idée et la pratique du « baroque » et... la pratique et l’idée de l’insurrection « œuvrière » autonome.

5 commentaires à propos de “INTERSTICE #01 | AQUARIUMS & ZOOM 3D (Fil Berger) version 1”

  1. Je viens de découvrir vos fenêtres belles et inquiétantes … me laisse conter … et j’en viens à rêver que votre télé devienne réalité. Bravo !

  2. Enfin un plateau de télé qui fait rêver : ouvert à tous les scénarios. Et des fenêtres qui ouvrent toujours plus grands nos espaces oniriques… Merci !