#L9 Explorations documentaires

Une place presque carrée
C’est très rare, une place absolument carrée — Il faut pour qu’elle soit aussi parfaite qu’elle ait été conçue par un grand architecte urbaniste (on disait pas encore ce mot) du XVIIe siècle — On trouve un exemple (mais est-ce le seul ?) avec la place des Vosges à Paris — Les places dites carrées sont bien plus spécifiquement « presque » carrées — Il y a toujours un voire deux côtés de la place qui sont plus longs que les autres — Si ce n’est pas que la place forme plutôt un trapèze qu’un carré — On a cependant l’impression la plupart du temps qu’une place est carrée quand elle est assez « trapue », de dimensions raisonnables, régulièrement tracée — On trouvera des places absolument carrées dans des villes, des ensembles architecturaux sophistiqués — Pas tellement dans des grosses bourgades entourées de montagnes.

Un costume-cravate étriqué
Seuls les beaux gosses aux plastiques parfaites portent bien le costume-cravate — Ce vêtement, ou plutôt ce combiné vestimentaire ne se prête pas à toutes les morphologies — Il suffit qu’on soit un peu difforme — Ce qui arrive à l’écrasante majorité d’entre les humains — Pour que ledit vêtement tombe soit comme un sac de pommes de terre sur un épouvantail maigrichon — Bâillant à qui-mieux-mieux — Ou soit, pire, qu’il soit étriqué — Ce qui semble être le cas le plus fréquent — Compte tenu de la propension à se rêver moins grassouillet qu’on ne l’est en réalité — Ainsi, on achètera plus volontiers la taille en dessous — Et voilà —  Gêné aux entournures — Ne penser qu’à desserrer le nœud de la cravate — Prisonnier de sa pauvre parure — Redoutant la chaleur comme le pire fléau.

Agencer au mieux des tables de bar
Les tables de bar sont rondes ou carrées — Plus, beaucoup plus, rarement rectangulaires — Elles sont conçues pour accueillir, par unité, jusqu’à quatre personnes au maximum — En se serrant bien — Quand on est quatre consommateurs, ou plus d’ailleurs, il est courant qu’on se saisisse de deux, voire plus d’ailleurs, unités et qu’on les rapproche — Qu’on les accole — en raclant les lourds pieds sur le sol — Et en bousculant un peu les chaises qui sont autour — Une fois cette opération souvent un peu gênante accomplie — On s’aperçoit mais tant pis qu’on a déstructuré le bel agencement en quinconce — Organisé le matin — Par le patron ou le serveur du bar — Comme tous les matins.

Quels affaires emporter précipitamment ?
Il peut arriver qu’on doive partir de chez soi de manière précipitée — On ne sait jamais quelles affaires prendre — Dans l’urgence de lever le camp — Préparer un sac — Deux au maximum si on doit prendre les transports en commun — Un sac à dos — Assez volumineux pour contenir le plus de choses possibles — Le dos se débrouillera avec le poids — Un autre sac — À bandoulière pour avoir les mains assez libres — Dans lequel on pourra garder les papiers, un peu d’argent, etc. à portée — Ne choisir que des vêtements pratiques — De type T-shirts et pantalons — Pas trop — Des sous-vêtements pour une semaine — Une ou deux petites serviettes de douche — Une trousse de toilette — Sans superflu — Savon shampoing dentifrice brosse à dents peigne ciseaux et autres accessoires d’hygiène — Un livre n’est pas indispensable — Ni de quoi écrire un roman — Ne pas oublier les lunettes de soleil — Retirer pas mal d’argent — Le cacher un peu au fond des deux sacs — Si, prendre un livre, mais lequel — Une lampe de poche ou, mieux, frontale — Il se peut d’aventure qu’on se retrouve isolé en pleine nuit.

À quelle fin on allume des vitrines
Les boutiques et les échoppes ont soit un rideau de fer, plein ou en forme de grille ondulée, soit une simple vitrine — Le plus souvent blindée — Pour ce qui concerne les échoppes à vitrine — Dépourvues de rideaux de fer — Il se trouve que bien souvent elles sont éclairées — Depuis la fermeture du magasin le soir jusqu’à l’ouverture le lendemain — Les vitrines mettent en valeur les marchandises vendues dans la boutique — Ça marche très bien durant la journée — Les badauds regardent les choses à contempler à travers — On dit qu’ils les lèchent — Parfois ils se voient et se regardent dans leur reflet — Mais la nuit — Il arrive très fréquemment que les vitrines soient éclairées par un dispositif intérieur — À part quand la nuit tombe tôt — En automne et en hiver — Qui va admirer leur contenu — En plein milieu de la nuit — Fort peu de monde — Ça brûle bien de l’énergie pour pas grand-chose —  Il y a même des études de notaires qui illuminent leurs vitrines — Comme si leurs annonces officielles à tampons et leurs offres immobilières allaient intéresser les très rares promeneurs nocturnes.

Le coin lavabo à l’hôtel
Quand la chambre d’un vieil hôtel sans étoile est bon marché elle ne comprend pas de salle d’eau —  Tout au plus un étroit bac de douche dans le coin toilettes — Mais c’est rare — Le plus souvent — Séparé du reste de la chambre par un rideau — De coton ou de plastique — On doit se contenter d’un coin lavabo — Ce petit espace — Au revêtement de sol imperméable — Du lino par exemple — Ce petit espace comprend le lavabo — Comme son nom l’indique — Mais aussi parfois un petit bidet — Dans les hôtels vraiment vieux —  Sinon un porte-serviette et une tablette sous le miroir — De temps en temps, une étagère est accrochée au mur à droite ou à gauche du lavabo — Ce coin ne comporte pas de fenêtre pour l’aération — Si la chambre est tout à fait bon marché, les W.-C. sont sur le palier — Dans le couloir — Il peut cependant arriver — Et c’est funeste — Qu’ils soient eux aussi dans le coin lavabo.

Une esplanade de gare
Dans les petites villes — Ou dans les gros bourgs — On trouve encore une gare — Avec son petit hall — Avec ses deux ou quatre quais —  Avec sa passerelle et ses escaliers — souterrains ou pas — Avec son guichet — Souvent unique — Mais surtout avec son esplanade — Modeste à l’unisson de la gare elle-même — Mais bel et bien là — L’esplanade devant la sortie de la petite gare va de soi — Elle commence par un large trottoir qui dépasse un peu la longueur de la façade — Avec ou sans escalier — Elle continue par un dispositif en U bétonné qui permet un dépôt minute — Il peut y avoir dans un coin un parking raisonnable — Ou bien un mini terrain vague près des rails les plus proches — Dans les plus grosses bourgades on trouve également un ou deux grands emplacements pour une humble et convenable gare des cars.

A propos de Fil Berger

Fil Berger, je, donc, compose les textes qu’il écrit avec des artefacts sonores et graphiques et ses pièces musicales avec des artefacts d’écriture et graphiques. Le tout cherche, donc, une manière d’alchimie modeste située entre ces disciplines. Il a publié des livres d’artiste avec le plasticien Joël Leick chez Æncrages et Dumerchez. Quelques revues comme Paysages écrits, Traction Brabant ont retenu des textes. Il a travaillé et composé des pièces musicales documentées sur CD. Il a partagé pendant plus de vingt ans des moments de création avec des chorégraphes, des plasticiens, des auteurs, des improvisateurs et des compositeurs. Il a animé des ateliers d’écriture et de partitions graphiques avec des personnes de toutes sortes. Fil Berger, je, donc, est un improvisateur qui compose et performe en forgeant ses propres outils, ses champs lexicaux, ses instruments, sa présence au monde en les mettant sans cesse en variation continue. Son travail est la recherche de convergences multiples entre... l’idée et la pratique du « baroque » et... la pratique et l’idée de l’insurrection « œuvrière » autonome.

Un commentaire à propos de “#L9 Explorations documentaires”

  1. La place presque carrée, oui un vrai casse tête, quelques bastides du Périgord peut-être, mais surtout la gamberge à la lecture, comme avec chaque scène offerte, ces familiers étranges, ces étrangetés familières, le déjà-vu de Freud, illusion d’optique qui leurre le cerveau,