Le double voyage | mind the gap

Clapham, clapham, attention à la bordure du quai,

tirant mes valises du tube, je descendais vers Battersea, le nez porté vers les cheminées,

Candahard road, l’indien vendait aussi les médicaments,

sur l’autre rive, cette rue qui n’en finissait pas à recenser tous ceux qui s’y trouvaient,

the end of the world, tu vendais des seins de Venus

A la gare routière de Waterloo, tu attendais à côté des pubs à Bingo,

la cloche sonnait, les bières pleuvaient, tu avais la nostalgie de la Goutte d’or et de ses joueurs de bonneteau,

Le bus s’arrêtait à Glasgow, mais un pasteur montait jusqu’à Sky,

un bœuf pâturait sur la grève, Nessie dormait, et les morses que tu prenais pour des rochers, il fallait attendre encore deux jours à quai pour la baie Dundalk

Les vents de surois t’ont déposé aux Scilly, tu aurais tout donné pour ne plus monter sur le pont

et ne plus voir le Fastnet démater les goélettes

les filets débordaient à Sainte marie,Les femmes proues de Tresco consolaient des bateaux sans têtes, on allait s’échouer sur les rives de Penzance,

Tu regardais les fuseaux horaires des deux horloges rue des Capucins,Les aiguilles finissent toujours par tourner,

Par la fenêtre du train noir, Uscita ,Uscita

Passé Modane, le train s’arrêtait sans cesse, j’arrivai en gare de Termini, avec pour viatique, l’albergo de Campo di Fiori,

En montant les échafaudages, par la voie des clochers,j’ai vu jusqu’à Astie

je me souviens, je me souviens de Lucca, le magnolia s’éparpillait sur la place,

à Bologne la Grasse, des visages agitées sortaient des hublots

les galeries toujours me ramenaient à Rivoli

Tu pars pour retrouver, les contraires s’assemblent,

Et le train enjambait l’eau, l’écran était plié déjà au Lido,

Ni Tadzio, ni Marcel pour se perdre dans les ruelles,

Pourtant tu n’avais jamais été si loin, le sud c’était le Lot, Cahors, Montcuq

la Gare d’Austerliz qui te lâche l’hiver à Jarnac, le chef de gare joue au petit train,

les champs sont blanchis par le givre, Brive la gaillarde, Montauban et d’Albi tu ne te

rappelles que des pas de géants, les mottes de terres argileuses déplacées

le ciel bleu d’hiver dans tes yeux, la voiture était sans roue à Saint cirq Lapopie

mais le volant tournait,dans le pare brise des coquelicots

Avec ta calandre, tu frappais impatient à Cordes sur ciel

On suivait le frère, c’était l’octave de Noël,le carrelage brillait, et tous autour de la table,

les rires fusaient, c’était normal, c’était normal, tu ne prévoyais pas tu ne prévoyais rien

Sortant de l’aéroport, tu marchais jusqu’à Bonifaccio,

le long du sentier, tu croisais un vieux et son bourricot chargés de fagots

tu campais, mais les nouvelles tombaient,l’orage te ramenait dans le ventre ronflant des Glénans

L’important c’était partir, où peu importait, Nancy, Vandoeuvres, les campings hors saison, la plaine jusqu’à Metz, c’est déjà l’ Allemagne, les maisons, les toits, les clochers

Un jour, Anvers, toutes ses peaux roses tatouées, la soufflerie de la ventilation, seule vue de ta fenêtre d’hôtel,

Une nuit, dans les Abers, le phare de la Vierge comme lampe de chevet,

Tu voyages sur les Atlas, en regardant les panneaux à Roissy Charles de Gaules,

En regardant à Sathonay les panneaux bouger leur destination, Tanger Ouerzazate, Tel aviv, Chypre, Dusseldorf, Berlin, Zagreb, à Beauvais, on s’embarque pour Bucarest.

un soir les billets ont été acheté, il fallait changer de continent au moins,

Tout autour, ils arrivent de Saratov, de Conakry, cousine à Bamako, frère à Kharkiv, fils à Bafoussam  chez les Bamilékés, on écrit poste restante à Nkongsamba, on envoie des colis à Douala, on va vers ce qu’on ne connait pas.

A propos de Hélène Boivin

Après avoir écrit des textes au kilomètre dans un bureau, j'ai écrit des textes pour des marionnettes à gaine et en papier. Depuis j'anime des ateliers d'écriture dans des centres sociaux et au collège. J'entretiens de manière régulière ma pratique auprès du Tiers-livre.