#voyages #02 | L’arrivée, le matin

La nuit, – m’a-t-elle confiée – ses foyers la dévoile de très loin au voyageur. Mais, maintenant que j’arrive, c’est le jour dans sa première heure. Les membres assoupis, les sens en attente, la tête en éveil, les yeux accrochent les formes des montagnes. La ville est là, on la sait – présente quelque part – rien ne s’en voit. Dans la poitrine, on ressent le poids d’un soulagement, le dévidement d’un fil qui suit les replis – par delà, on la devine. Ombres et lueurs, l’aube sentinelle en désigne l’absence, empreinte du relief. Les châtaigniers, vigies immobiles, sondent l’air – calme – racines lancées dans l’ocre du sol parsemé d’éclats schisteux ; en poussées contraires, les ramées vers le ciel – bleu si profond.

Le ruban du chemin en son ultime retournement bascule à l’aplomb du ciel le regard à sa suite. La ville alors tombe sous les yeux, saisie en une seule prise. Ni trop grande, ni trop petite.

L’arrivée, le souvenir presque fiévreux, par contagion, retrouve la ville inconnue : venelles, maisonnette frêles, de pierres plates, montées de guingois sur des celliers, bombant le ventre de leurs murs gris comme sur le point de rompre ; il y a aussi ces chiens errants fuyant les pierres et les cris des enfants, des rues qui montent pour certains, descendent pour d’autres. Au milieu, en son centre, l’église blanche, avec un campanile pour clocher – une petite place, sur laquelle arrivent les jours de fêtes les processions.

Aujourd’hui, la chaleur n’a pas eu le temps de monter, quelques coqs chantent encore, leur chant n’est pas recouvert du bruissement de la ville, à peine on distingue un moteur de voiture, une radio qui s’échappe d’une fenêtre ouverte sur la fraîcheur de l’heure. Un vieille assise devant sa maison salue votre passage. Les oiseaux volent en cercle, là-haut, et profitent de la fraîcheur. On est bien, dans une sorte d’équilibre plein de soi et plein de la ville.