mes 27 septembres

27 septembre 2014
Nuit agitée. Odeur de pain grillé, première tasse de café face au Pelvoux. Rose dans le petit matin. Immuable. La beauté existe. Et pourtant… hier soir à la radio cette annonce : dans cinq pays de l’Afrique de l’ouest, 3 000 morts, la fièvre Ebola agrandit son carnage, ces régions manquent de centres de soins, de traitements, de moyens de transport… Dans mes moments de réveil, des flashes du Cameroun. Le marché de Figuil grouillant de vie. Maman Gentil et ses paniers de mangues. Baba glissant sans bruit dans la maison. Fatou massant son bébé. Philippe dans le jardin gérant l’eau dans les rigoles. J’ai peur pour eux. L’épidémie s’approche. Peur du risque terroriste.. J’ai tenté de téléphoner sans y réussir… Dire qu’ici nous nous plaignons de la sécurité sociale, des hôpitaux, de la baisse de la qualité des soins…. De l’insécurité… Et là-bas..

27 septembre 2015
Surprise d’ouvrir les yeux dans ma chambre. Hier, c’était celle de l’hôtel Mala Strana à Prague. Flottement. J’ai baigné une semaine dans la langue tchèque. Isolée. Étrangère. Sourde. Ici, la radio lance des flots d’infos., Ici, le Pelvoux me fait signe. Le Guil et ses berges m’attendent pour une ballade ; je suis loin de la Vlatava. L’ombre de Kafka s’éloigne. Et les géants de pierre du pont Charles. Et la ville faite d’ombres et de lumières. Demeure mon désarroi en pensant à cette jeune tchèque rencontrée au café impérial. Ravie de parler français, elle discourt longuement sur les Roms. Des incapables, des paresseux, des voleurs, inadaptables. Musiciens mais toujours assistés, profitant d’allocations. Elle ajoute : une récente étude universitaire a prouvé que leurs cerveaux sont bien plus petits que ceux de la race blanche. Dans sa voix, celle du peuple tchèque et d’autres pays d’Europe. Les Roms exutoire au mécontentement. Montée d’un racisme ordinaire. Terrifiant. Chape de plomb sur la beauté et le mystère de Prague.

27 septembre 2017
Décidément nuits agitées et réveils maussades. Le film d’hier soir m’a empoisonnée. « Juste la fin du monde » de Nolan. Des questions, des doutes. La famille ? Folie, violence, indifférence. Silence. La mienne ? Tant de non-dits, d’évitements, de dérobades. Une paix prudente. Urgent de se dire les choses. Avant qu’il ne soit trop tard, bouche scellée par la mort. Louis ne peut pas parler, annoncer sa mort proche, il écoute, sourit, déjà absent. Un fantôme. Ses dernières paroles avant son départ : c’est comme la nuit en pleine journée, je suis perdu et je ne retrouve personne. Non, ici, ce n’est pas la nuit en pleine jour ! J’entends rire ma petite fille. Pendant une semaine, elle comptera les chauves-souris du guillestrois, Avec une association de protection de ces chiroptères les surprendra dans leurs abris. J’imagine ses commentaires passionnés, j’apprendrais plein de choses inconnues. Déjà le terme savant de chiroptères !

27 septembre 2018
Vite écrire quelques lignes, c’est un rituel exigeant. Je dois me dépêcher, boucler mon sac, fermer la maison, donner à ma voisine les consignes pour la garde du chat. Filer chercher Armelle et en route vers l’Italie par le Queyras et le col Agnel.. Un rituel, cette virée, aussi. Ce soir, ce sera pleine lune, nous siroterons un limoncello bien glacé avec Anselme et Catherine. La forêt de châtaigniers devant nous cachera ses mystères. Nous devinerons des soufflements, des grognements, pas de doute, une compagnie de sangliers est en train de dîner. Anselme grommellera : vivement les battues de sangliers, ces salopiots bouffent mes bulbes de tulipes.

27 septembre 2019
L’automne s’installe. Le 23, c’était l’équinoxe d’automne. Les nuits s’allongent. La lumière a changé, pleine de douceur après sa violence de l’été. Les feuilles du tilleul virent au jaune tendre. Bientôt les mélèzes dorés. Bientôt la neige. Le renouveau du printemps. Ici le rythme des saisons scande ma vie. J’ai eu raison de quitter Marseille rien que pour cela. Vivre les saisons, regretter celle qui s’évanouit, attendre celle qui ne tardera pas, faire ma place dans la toute neuve, m’émerveiller du paysage qui change, se pare d’autres couleurs, d’autres parfums, d’autres chants. Combien de temps encore ?

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