#nouvelles | Emilie Marot | bibliothèque nomade

# 01 | Ma bibliothèque est nomade

Ma bibliothèque est nomade. Elle voyage. Se pose un temps. Grossit. Et puis repart.

La bibliothèque de Luby

Un morceau de ma bibliothèque est en cartons. Celle de mon adolescence, de mes années d’étudiante et de ma première année d’enseignement. Un peu de Vendée, un peu de Nantes, de Rennes, de Paris et de l’année en Allemagne. Grosse de voyages et de rencontres.  Dûment archivée dans un fichier de six pages sur mon ordinateur. Vingt cartons numérotés entreposés dans les Hautes-Pyrénées, dans un village avec une église pas loin et de grandes fermes autour, dans une petite chambre à l’étage contre un pan de mur blanc. Sur ces vingt cartons, dix-huit contiennent des livres. Je sais exactement où trouver les livres qui y sont rangés. Ainsi La Fortune des Rougon est dans le carton numéro 11, Le Partage des eaux dans le numéro 12. Le fichier précise que le carton numéro 7 « Littérature allemande en V.O. » est « à détailler » (en rouge et en italique). Les cartons numéro 5 et 6 contiennent aussi mes livres en allemand. Je ne me rappelle plus pourquoi je n’ai pas archivé les livres de ce carton numéro 7. J’en avais peut-être assez. Je me souviens que le travail était fastidieux.  Le carton numéro 10 contient uniquement des livres et des cours de philosophie. Le carton numéro 8 la littérature anglo-américaine et la littérature italienne. Le carton numéro 9 est celui de la maîtrise. Il renferme Paul Celan et Nelly Sachs. Les Trois mousquetaires sont dans le carton numéro 17. Et puis je suis partie. Depuis j’ai racheté certains des livres que j’ai laissés de ce côté-là de l’Atlantique.

La bibliothèque de l’île

Aujourd’hui encore, depuis bientôt un an, une grande partie des livres de ma bibliothèque est en carton.

Bibliothèque essentielle pour commencer. J’aurais dû noter avec quels livres je suis arrivée. Ce devait être mes fondamentaux. Il fallait que ça tienne dans une valise de vingt-huit kilos et dans le bagage cabine. Mes valises ont d’ailleurs souvent été des bibliothèques de transit. Elle a grossi au fil des ans. Et elle a migré.

J’ai déballé et rangé ma bibliothèque huit fois en vingt ans. Les cartons toujours plus nombreux au fil des ans. Au point qu’on se jure à chaque déménagement de ne plus jamais acheter de livres, de renouer avec la pratique de la médiathèque. Mais je suis une très mauvaise emprunteuse. Je rends toujours mes livres très en retard. Ma bibliothèque a pu se poser tout de même deux fois à chaque fois sur un cycle de huit ans environ.

Je range mes livres par genre : poésie / récit (et à l’intérieur, à part, les nouvelles et la littérature de soi) / théâtre / essai (et à l’intérieur par thématique comme le féminisme, l’anticolonialisme, le travail,…), ce qui est notamment pratique pour le travail. Et puis à l’intérieur des genres, par ordre chronologique.

S’est posée plusieurs fois la question de savoir où ranger la littérature caribéenne, qui elle aussi a grossi au fil des ans. A part. Comme son territoire géographique. Ou répartie avec les autres livres, par genre. A vrai dire, je n’ai toujours pas tranché. Mais finalement je mêle les façons de ranger, notamment pour la poésie et la littérature de soi. A bout d’enfance de Patrick Chamoiseau, Un Cœur à rire et à pleurer et La Vie sans fards de Maryse Condé, Coulée d’or d’Ernest Pépin, L’exil selon Julia, Mes Quatre femmes et Folie aller simple de Gisèle Pineau ou encore Le Dernier Matin de Max Rippon côtoient Beauvoir, Colette, Pagnol, Perec, Rousseau, Sarraute, Sartre sur une même étagère.

Dans la nouvelle maison, la seule bibliothèque dûment rangée et installée est celle liée aux ateliers d’écriture. La bibliothèque devenue la seule essentielle. La fondamentale. D’ailleurs, me suis-je dis récemment, la seule que j’évacuerai en cas d’éruption volcanique.

A propos de Émilie Marot

J'enseigne le français en lycée où j'essaie envers et contre tout de trouver du sens à mon métier. Heureusement, la littérature est là, indéfectible et plus que jamais nécessaire. Depuis trois ans, j'anime des ateliers d'écriture le mercredi après-midi avec une petite dizaine d'élèves volontaires de la seconde à la terminale. Une bulle d'oxygène !

2 commentaires à propos de “#nouvelles | Emilie Marot | bibliothèque nomade”

  1. Votre/ta bibliothèque caraïbéenne, je serais curieuse, à la manière dont Jean-Luc Chovelon a intégré une liste dans son texte, d’en connaître les auteurs ! C’est une littérature que j’apprécie particulièrement mais ma connaissance est très lacunaire. Merci pour ce texte qui sonne juste.

  2. Merci Nolwenn pour ta lecture. Je vais modifier le texte d’origine et intégrer les titres pour le passage en question. La veille de la mort de Maryse Condé, je me suis aperçue que je l’avais oubliée d’ailleurs. Les livres étaient sur mon bureau et non plus rangés dans la bibliothèque. Et puis préparer un inventaire de ma bibliothèque caribéenne, quelle belle idée. Surtout dans la perspective d’un partage !

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