#P10 Les syracusaines

Ah vite un siège…  Il fait tellement chaud… je crois bien que je vais m’évanouir. Et puis toute cette cohue dehors… Gorgo quel plaisir de te voir, c’est pas si souvent… Lydie,  apporte le petit banc qu’elle puisse un peu se reposer…. Tu es toute en nage…Et puis va donc chercher une aiguière et des gobelets ma petite tu vois bien qu’elle est complètement assoiffée… Cette petite sotte ne pense à rien il faut tout lui dire. Allons assieds-toi un peu prends le temps de te rafraichir… C’est qu’il a fallu en plus que je traverse toute cette foule compacte, et les grands quadriges qui te foncent dessus …  partout des bottes, des hommes en uniforme, à peine si on pouvait avancer par endroit…et puis c’est tellement loin ici… C’est bien une idée de ce cinglé de  nous exiler dans cette tanière, je peux même pas appeler ça un logement, tout ça pour nous rendre plus difficile nos petits moments ensemble… Ne parle pas de son père, comme ça devant lui, regarde il a l’air tout effrayé, viens là que je t’embrasse mon mignon… Mais non tu n’as pas peur mon chéri, tu le connais bien ton papa. Tiens l’autre jour je lui demande d’acheter de la soude et de la teinture et voilà qu’il se rapplique avec du sel, du sel, non mais tu y crois, toi… Il ne pense qu’à se pavaner sur le forum…Le mien c’est tout pareil, et je te dépense, et je t’achète de la laine, même pas de bonne qualité. Ils font l’important comme s’ils ne savaient pas que c’est nous qui faisons tourner la maison… Mais aujourd’hui c’est notre journée, on va en profiter un peu…. Il paraît qu’ils ont fait les choses en grand cette année, c’est la fille de l’Argienne qui chante le lamento, une artiste… Un enchantement, il parait, ça nous change de ces vieilles barbes d’aèdes, toujours à hoqueter comme s’ils allaient s’étouffer… Allez prends ton chiton qu’on y aille, je voudrais pas rater ça, la reine à organisé la cérémonie avec beaucoup de soin, on m’a dit, j’ai hâte de voir le palais… Quand on a les moyens c’est facile… Apporte la clé du coffre, dépêche-toi un peu… Quelle lambine, cette idiote… on dirait que c’est nous qui sommes à leur disposition… Verse moi de l’eau sur les mains, fais donc attention pas sur ma tunique… Ah, me voilà fraiche au moins… Va chercher mon chapeau… Mais non, mon bébé on ne t’emmène pas, tu te ferais écraser dans la cohue… Pleure tant que tu veux. Lydie, prends donc le petit, tu vois bien qu’il ne veut pas nous lâcher … Amuse-le pendant que nous partons… et n’oublie pas de fermer la porte… Mon dieu quelle bousculade, je te l’avais dit, tu vois on peut à peine mettre un pied devant l’autre… Heureusement depuis que Ptolémée est parmi les immortels, on est protégé des voleurs, qui se faufilent à l’égyptienne derrière toi et de toute cette saleté de mendiants, ce n’est plus comme avant… Allons un peu de courage… Regarde les chevaux de parade… attention le rouquin a failli m’écraser les pieds… Belle bête mais encore bien sauvage, dis-donc… Il va se débarrasser de son cavalier s’il continue comme ça…. J’ai bien fait de pas emmener le petit… Tu viens du palais, maman … Est-ce qu’on peut entrer facilement… En faisant le siège de Troie les achéens on finit par entrer dans la ville, ma petite… On arrive à tout avec de la persévérance… Bel oracle… elle a filé, la vieille… Regarde tout ce monde devant l’entrée… Va falloir se tenir les coudes… Tiens moi bien qu’on ne se perde pas…Ah l’imbécile il m’a déchiré mon châle. Tu peux pas faire attention, abruti … Je veux pas rentrer moi, laissez-moi passer, mais c’est des furies ces deux-là … Ils nous poussent en avant comme un troupeau de porcs… Courage, mesdames, ça y est on y est presque, encore un petit effort, je vais vous faire un rempart… Béni sois-tu de nous venir en aide dans l’adversité…. Quelqu’un de bien, c’est rare de nos jours. Allez, « toutes les filles à l’intérieur », comme on dit dans les mariages… Ouf… ben, nous voilà entrées… Regarde quelles splendeurs de tentures, toutes ces couleurs… on dirait la demeure des dieux. On croirait que les personnages vont bouger, descendre de la tapisserie et venir parmi nous… mais arrêtez de caqueter, bonnes femmes, épargnez-nous cet accent de bas étages… Non mais qu’est-ce que tu crois bonhomme, nous sommes les syracusaines, on descend en ligne droite d’une famille corinthienne, nous parlons la langue pure du Péloponnèse et pas cette langue dégénérée que vous nous avez fabriquée en Egypte… Chut, Prassinoé, ça va commencer la chanteuse vient d’entrer dans le cercle….

A propos de Christian Chastan

"- En quoi consiste ta justification ? - Je n'en ai aucune. - Et tu parviens à vivre ? - Précisément pour cette raison, car je ne parviendrais pas à vivre avec une justification. Comment pourrais-je justifier la multitude de mes actes et des circonstances de mon existence ?" F.K.

9 commentaires à propos de “#P10 Les syracusaines”

    • Je suis un misérable plagiaire. Lorsqu’il a été question de dialogue filé j’ai immédiatement pense a ce poème de Theocrite