#P4 Tu m’suis?

J’te l’donne en mille,- Mais que me donnes-tu puisqu’en fait c’est de moi que tu attends une réponse, de ces improbables et ces inconcevables, tu m’apaises avec une promesse de gain comme si il y avait une infinité de possibles alors qu’en fin de compte, il n’y a qu’une seule issue à ton don – Tu n’devineras jamais…- et d’ailleurs je subodore déjà le ton désapprobateur avec lequel tu l’annonceras, me rendant complice de ton commérage sûrement cent fois reproductible à des oreilles tendues et langues fourchues bien pendues. –Alors tu donnes ta langue au chat? Laisse ma langue fourcher tant qu’elle veut, cesse de jouer au chat et à la souris et toi tourne la tienne sept fois dans ta bouche, avant de cancaner sur autrui.-T’as perdu ta langue? – … – C’est pourtant pas bien compliqué à imaginer, figure-toi… allez, fais un petit effort d’imagination. – Si tu savais ce qui me passe par la tête en ce moment, ce que j’échafaude dans la géométrie de tes mimiques, ce que je devine dans les plis de tes moues, ton désaccord avec leur décision, tout le mal que tu en penses, ce jugement que tu as déjà rendu sans appel. Et comment ne te viens pas à l’idée le fait qu’à moi aussi ils aient pu se confier, que mon oreille ait pu leur paraître attentive, elle qui s’attend d’un instant à l’autre à entendre ta gorge se racler, après confession de leur secret pour me susurrer d’un ton docte: –Moi à leur place j’aurais,…heu, oui sans aucune hésitation j’aurais…parce que tu comprends, ce genre de chose, ça se trouve pas sous le sabot d’un cheval, c’est tout de même pas la mer à boire…- Et voilà, pour que je « visualise » tu truffes tes propos d’images d’Epinal, cette accumulation de poncifs circonvolutifs que tu ponctues sans cesse de ce tic de langage, tu m’suis? Ça m’oppresse cette infantilisation, cette ligne que tu veux m’imposer, sans me laisser le droit de m’égarer en dehors des sentiers battus de ta rigidité de pensée. Tu m’suis? Mais non , moi je ne veux pas en être, ni être à toi d’ailleurs , et me tournerais plutôt vers des pisteurs d’inconnus, des soupeseurs de pour et contre, des découvreurs de probables inimaginés, des gens qui doutent. – Bon ok, tout à l’heure j’y suis allé un peu fort, mais là tu m’suis, on est d’accord?- Ritournelle rhétorique de recherche d’adhésion, avec ou sans adéquation, non! Je ne veux pas en être; je ne crache pas dans la soupe, mais je ne mange pas de ce pain là: le pain de ceux qui cassent du sucre sur le dos des autres; toi tu n’en crois pas tes oreilles, les leurs d’oreilles elles sifflent et les miennes tu les fais saigner. Retourne-toi un peu pour voir que dans ton monologue que tu voudrais partagé , je fais la sourde oreille à ta langue de vipère.

A propos de sophie grail

Après une grande vingtaine d’années en région lyonnaise, vis depuis bientôt une petite entre Léman, vallée verte et blanches montagnes... sans renier racines ardéchoises et tête en terres corses, balinaises ou cévenoles... dévoreuse ou passeuse de livres, clame haut et fort les mots des autres ( accompagne aussi depuis quinze ans les élèves de CM2 à jouer avec les leurs et en apprivoiser d’autres) sans jamais trop extérioriser les miens (sauf en labyrinthiques cérémonies secrètes). Alors sourire de me livrer en tiers-livre sans pseudo ni hétéronyme ... (Interviens discrètement sur Facebook via Sophie Sopibali)

2 commentaires à propos de “#P4 Tu m’suis?”

    • Merci Bénédicte. J’ai la chance de ne pas avoir de personnes dans mon entourages pouvant m’inspirer cet échange , juste une envie de tirer la langue aux vipères…