paroles vides

— Comment ça va ?

— On fait aller…

On fait aller ? Comment ? Parle-moi, dis-moi quelque chose, un rien, une bêtise. Tu n’as vraiment rien à me dire ? Ta femme ? Tes enfants, ado en rébellion, la petite qui fait ses dents ? Ton chien ? Toi ? Tu fais aller, comment, jusqu’au bout, au bout de quoi ? Dans le plaisir, dans la peine ?

Je n’en saurais pas davantage, puisque tu l’assures, oui, ça va. Enfin, dire ça va et on fait aller, c’est pas pareil, non ? C’est ta façon à toi de dire bonjour, bonsoir, du bon quand même avec jour et soir ? Ça baigne, tranquille, on fait aller, le train-train. No problem.

Être discrète. Je bute sur une fin de non-recevoir, une pas-envie de m’en dire plus, un mur de silence élevé pour te protéger. Tu préfères te taire. Je subis ton silence, je m’interroge sur cette mise à distance. Je m’inquiète. Tu évites mes remarques possibles, maladroites, qui pourraient te blesser, te déranger ? Et quand je te dis, attristée : tu ne veux pas me parler ?, tu me réponds sèchement : On me paie pour parler (il est enseignant). Cela me repose de me taire. Je rétorque : quand tu prendras ta retraite, je te paierai donc pour que tu me parles ! Mauvaise mère, vraie garce, ma réplique m’a enchantée sur le coup. Vlan. Dialogue de sourds. Idiote. Tu fuis. Moi, je devrais apprendre à me taire, comme on dit, tourner sept fois ma langue dans ma bouche avant de parler. Tu t’emmures dans le silence, tu fais aller, je dois l’accepter, attendre…

— E toi, ça va ?

— Je fais aller…

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