#photofictions #09 | cinq rue de l’île de Ré

`Le soleil allonge sa silhouette sur l’asphalte morcelé.
Elle marche au centre de la rue devenue impasse,
Se heurte au portail anthracite surmonté de barbelés.
Accès interdit
à toute personne
Non autorisée
Au-delà une usine, des ateliers à l’usage indéterminé.
Protection
obligatoire
de la vue
Surveillance
vidéo
Une maison basse à la façade blanchie s’y est perdue,
Un vestige du siècle passé, sa cheminée pointée vers le ciel.
Eteignez
Votre cigarette
S.V.P
Site sous vidéo
protection
Elle l’observe. Est-ce une copie du numéro cinq de la rue de l’île de Ré ? Une sœur jumelle ? Mitoyenne ? Comment entrer ? Interroger ?
Ces murs recèlent les images oubliées.
Son corps pivote.
Elle remonte la rue, remonte le temps en allers-retours chevauchant les témoignages tronqués, l’échancrure d’histoire qu’elle aperçoit sans pouvoir l’approcher.
Le cinq se superpose aux herbes folles du caniveau, à la rue amputée.
Les numéros impairs s’alignaient à sa droite ou à sa gauche ?
Comment retrouver là où l’enfance s’est façonnée ?
Ni lumière, ni merveilleuses retrouvailles,
Mais un paysage brutal et gris d’anciennes usine de phosphate, de silos à blé murant l’horizon où les sirènes des grues se mêlent aux cris des bourrasques de vent, aux chargements des navires.
Ça sent l’essence et les ordures abandonnées.
Elle gagne un chemin de graviers blancs, une zone plus naturelle.
Ses docks se teintent d’une poussière crayeuse, ses jambes reflètent les ombres des bosquets.
Elle avance d’un pas cadencé, confiante et désinvolte,
mue par la certitude de trouver des réponses, un jour, au bout d’un chemin.
Sur l’horizon retentit le mouvement d’ailes, puissant, de deux goélands.
Elle s’assied sur un banc de béton et joue avec la flamme d’un briquet sortit de la poche de son pantalon.
Elle attend, attentive, de les voir se poser à la surface de l’eau.
Bientôt, il faudra rentrer, il fera trop sombre pour se retrouver seule dans ce lieu sans fard.

A propos de Fabienne Savarit

J'ai toujours eu envie d'écrire des histoires. Le temps me manque, alors j'écris par petits souffles, en atelier, dans des carnets, sur un coin de table. Mon premier roman a été publié en juillet 2020, j'en suis encore ébahie. Mes mots sont voyageurs et se perdent au creux des courants marins. https://www.facebook.com/Fabienne-Savarit-Autrice-105753008006663

2 commentaires à propos de “#photofictions #09 | cinq rue de l’île de Ré”

  1. c’est quoi un horizon de lecture?

    C’est se jeter sur un texte, le lire, fouiller et revenir au titre… »rue de l’île »…pas « l’île »…arf.

    • oui mais énoncer une « rue de l’île » c’est annoncer l’île.
      Et puis il y a l’horizon, les goélands.. ce sont des signes qui ne trompent pas.
      Joli texte.