#gestes&usages #01 | Virage au sélénium

A cause de la couleur, avaleuse de lumière, elle craignait que son regard soit lissé, que le réel engouffre toute trace de mystère de poésie. Les grains et creux de peau pourraient être éclipsés par l’attrape-regard du maquillage, tricherie colorée.
Le terne des taudis où elle tentait de disparaître avec ses fantômes ne serait plus sublimé et se retrouverait pisseux, délavé. Elle perdrait son refuge monochrome, la solitude des gris, binarité du noir et blanc, le silence des nuances s’opposant au bruit des couleurs.
Son œil, habitué à saisir l’instant de bascule, reflet crucial dans le bain révélateur, s’égarerait dans les teintes à pigment variable.
D’ailleurs que pourrait lui apporter la couleur, elle abreuve déjà quotidiennement son regard, mais pour trancher, s’exprimer, convaincre, a-t-on besoin d’une telle palettes de nuances « c’est écrit noir sur blanc » on ne peut plus clair… naissance du doute: veut-elle tant clarifier, chasser toute ambiguïté? Reste le flou pour compléter les contrastes, les temps de pose, ballet des lumières et des sels d’argent pour approfondir les noirceurs ou les gris dans leur côtoiement de pureté…
Elle veut les conserver ces gris de la réalité, les protéger du chatoiement coloré.
« la nuit tous les chats sont gris » les voilà déjà relégués , poussiéreux, uniformes, tristes sires et grisettes.
Puis il y a la lumière rouge, protège chambre noire, ou le rouge aux joues qui s’empourprent.
Et il y a le violet des yeux de Liz Taylor, et le prisme de la lumière qui se diffracte sur les arrêtes tranchantes d’un aquarium: défi tentant d’inaccessible étincelle.
Un temps alors, pour se préparer en douceur, elle adopta le sépia

A propos de sophie grail

Après une grande vingtaine d’années en région lyonnaise, vis depuis bientôt une petite entre Léman, vallée verte et blanches montagnes... sans renier racines ardéchoises et tête en terres corses, balinaises ou cévenoles... dévoreuse ou passeuse de livres, clame haut et fort les mots des autres ( accompagne aussi depuis quinze ans les élèves de CM2 à jouer avec les leurs et en apprivoiser d’autres) sans jamais trop extérioriser les miens (sauf en labyrinthiques cérémonies secrètes). Alors sourire de me livrer en tiers-livre sans pseudo ni hétéronyme ... (Interviens discrètement sur Facebook via Sophie Sopibali)

2 commentaires à propos de “#gestes&usages #01 | Virage au sélénium”

  1. Protéger le gris des couleurs, j’aime beaucoup ta façon de voir le noir et blanc ! J’avais même envie que ça se prolonge, prête pour les gestes du masquage, l’attente des rinçages…
    En tous cas, partante ! rendez-vous au prochain virage 😉

    • Merci Juliette , ça encourage à poursuivre… effectivement j’avais envie de continuer, peaufiner, fignoler, rester dans ma petite chambre noire, bricolée, mais il y avait l’urgence de ne pas laisser trop courir la proposition 2, et l’envie de lire les autres!

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