#voyage _arrivée | paysage TER

Dans le premier train je lis — je ne sais plus—, je grappille, je m’endors… quelques gouttes de café répandues, une sorte d’ange têtard, comme se dit des bonshommes, se forme sur la page (Michaux peut-être) : souvenir de voyage endormi dans les pages.
Je ne me souviens pas des paysages du premier train, ni ne me souviens d’autres visages et si le café venait d’une vente ambulante? Dans les trains ça arrivait que quelqu’un passe avec un charriot : un croissant ? Thé ou café presque tiède : sans sucre oui merci… Je convoque un vide qui prend forme de wagon, il se déplace dans un passé présent sans substance. ( le corps comme un os avec au bout une drôle de tête ébouriffée, en ce temps là les cheveux tombaient comme des cheveux : oui c’est moi ).
La dernière partie du voyage, la plus courte en km est aussi la plus longue. Il y a ces livres courts à déchiffrer qui prennent une vie quand trois cents pages font courir un cent mètres…
 » Tu changeras à Clermont, tu prendras le TER, ( une ligne transversale vouée à disparaitre?) C’est un peu difficile d’arriver jusqu’à nous…. mais tu verras comme c’est beau, m’avait dit B., il avait ajouté : là haut, sur le plateau, il neige parfois en aout, la mousse est dense, les champignons prospères… si tu ne manges pas de viande c’est un peu compliqué. »
Les sièges bleus. Les vitres en glissière, celle-ci que j’abaisse. C’est l’enfance revenue… le vent plein la figure. La figure comme une pâte qui s’informe… Les yeux et les oreilles se brouillent : tout siffle. Regarde cette rivière! et ça tourne… Le train frôle la roche à pic, train vertige… cette roche en myriade de gouttes, cette roche bien réelle, et la pierre chante… Des pins la peau rousse; le vert dit sapin, profond perenne… Le vert « des « lointains », bleu fondu, un sfumato en horizons gelés avec de l’or qui pointe. Vaches oranges. Veaux gras couleur de craie. Maisons pierres et maisons briques. Imaginer des castors et des ratons laveurs, faire un feu dans la clairière qui passe… Croire l’Amérique.
Près de trois heures de cahots et ce bruit du mouvement qui s’apprivoisent comme un rythme. Plein les yeux… Les arrêts (je ne compte plus) : des voyageurs sans bagages à l’heure des retours du presque soir… des voyageurs, l’accent âpre du pays… on se reconnait : Bonjour!, on se dit que … Et à demain!
B. est sur le quai; B avec ses longues pattes; B qui sautille: c’est son code de bienvenue… nous passons par le buffet de la gare : il faut que tu voies…Tout en bois et les reproductions décolorées, ces paysages urbains sépias d’un temps prospère… les sucres à nu sont dans une coupelle et le café de la cafetière, réchauffé…
 » Les enfants sont tellement impatients »dit B.
Il faudra encore rouler : un peu moins d’une heure…

A propos de Nathalie Holt

Rêve de peinture. Quarante ans de scénographie plus loin, écrit pour lire et ne photographie pas que son lit.

5 commentaires à propos de “#voyage _arrivée | paysage TER”

  1. « Le vert “des “lointains”, bleu fondu, un sfumato en horizons gelés avec de l’or qui pointe. »
    Merci Nathalie Holt. Vous faites entendre « la pierre qui chante ». Bravo.

    • Merci beaucoup pour les deux commentaires Ugo ( un peu de bleu et de vert pour apaiser la peur )

  2. j’imaginais le train des pignes que e n’ai jamais pris mais qui m’a beaucoup fait rêver comme ton texte 🙂