#40jours #16 | anachronique

Laure s’est endormie. Je me souviens du mauvais papier de ce carnet acheté dans un bazar à Paris, ses pages coquille d’œuf quadrillées de lignes presque  invisibles. Stries rouges. Ce carnet je l’ai glissé  dans le grand sac à dos il y a trois jours en partant. Il fait 40 degrés. Un jour blanc perce le volet; je peins une aquarelle de Laure. Détrempé le papier se tend et aussitôt il sèche, en séchant il gondole, il peluche. Laure rêve une main sous la joue, sa blondeur se diffuse, la ville est tout entière dans sa chevelure et dans la voix qui monte du minaret. Laure rêve et prend la couleur de ce carnet posé sur mes genoux dans cette chambre de Marrakech. Il doit être midi, ce doit être un mardi de 1979 puisque nous sommes mardi et que j’écris à 12H44 sur cet ordinateur sans lignes dans cette chambre de Saint Leu la Forêt. J’écris dans le visage de Laure: La petite fille balaye  les escaliers à grande eau et sa robe se couvre de gouttes sombres…  Laure est morte depuis. Le carnet est perdu. J’écris dans la ville sous le soleil brûlant. J’ai vingt ans.

A propos de Nathalie Holt

Rêve de peinture. Quarante ans de scénographie plus loin, écrit pour lire et ne photographie pas que son lit.

8 commentaires à propos de “#40jours #16 | anachronique”

  1. Fascination des diffractions et des dispersions, un texte pigment sur un voile humide.

  2. J’ai ressenti le mouvement du temps et celui de l’écriture autour de la présence de Laure endormie. Merci