#40jours #33 | soleil cou coupé

Inquiétude :

À cet instant un jardinier coupera les iris. À cet instant la mère éteindra la radio. À cet instant le soleil se calera au zénith. À cet instant un enfant cessera de pleurer. À cet instant l’ombre s’enfuira. À cet instant la neige remplira l’écran. À cet instant tes paroles resteront suspendues. À cet instant le repas de midi brûlera dans le four. À cet instant il décrochera le téléphone. À cet instant elle appellera le chien. À cet instant il n’y aura plus de cris. À cet instant le cuisinier soufflera sur les braises. À cet instant le frère perdra son sourire. À cet instant la sœur lèvera les yeux du livre. À cet instant les plombs sauteront. À cet instant les chats cesseront de miauler et les insectes de crisser dans la campagne sèche. À cet instant le prêtre montera au clocher. À cet instant l’enfant donnera une pomme au cochon. À cet instant le chef de gare sifflera le départ. À cet instant la lune du soir apparaîtra. À cet instant le postier fermera son guichet. À cet instant les amants régleront la note d’hôtel. À cet instant les guêpes s’enivreront de raisins verts. À cet instant elle décrochera le portrait de Tito. À cet instant il tirera la chasse. À cet instant les filles plongeront dans la rivière. À cet instant les miliciens brandiront leurs armes et chanteront à l’entrée du village.

« Soleil Cou Coupé »

Effroi.

A propos de Xavier Georgin

Xavier GEORGIN est auteur, animateur d'ateliers d'écriture et membre du collectif La Ville au Loin (https://la-ville-au-loin.fr/). Il écrit des textes où se rencontrent histoires familiales et traces dans l’espace urbain puis les met en son et en images sur son site internet www.xaviergeorgin.fr

8 commentaires à propos de “#40jours #33 | soleil cou coupé”

  1. Bravo pour ce rythme envoûtant mené par la répétition de l’incipit. J’aime comme les scènes se complètent et se répondent.

  2. C’est drôle, en commençant à lire ton texte j’ai immédiatement pensé à Brigitte Fontaine… mais de loin, comme ça…
    Et puis je vois la chanson, en bas…
    Merci beaucoup Xavier pour cette citation que j’adore !

  3. Merci, Xavier, de nous amener si près de l’événement qu’on se met à la place ceux qui l’ont vécu !

  4. On se demande où va nous mener cet instant « décisif », la menace étant présente dès les premiers instants. La tension monte , se faufilant au de travers de « petites » choses quotidiennes. j’ai beaucoup aimé.