#40jours #39 | c’est en pleine nuit que nous prenions le départ…

C’est en pleine nuit que nous prenions le départ. Transbahutées en pyjamas de la chaleur du lit jusque sur le rêche d’une couverture dans le frais d’un sac de couchage sur la plage arrière du fourgon happant goulument la fraicheur et l’odeur des nuits d’été par le haillon arrière ouvert. Dans le chuchotis si doux des voix et des gestes, pour le préserver sans doute, veiller à ne pas le briser, je fais mine de dormir, entrouvrant à peine les yeux, le corps parcouru de frissons de froid et d’excitation silencieuse tout à la fois. Parois fraiches de la banquette arrière sous la main. Parfum fleuri des draps, de la couverture, du sac de couchage qui se réchauffe doucement à la chaleur de nos corps ensommeillés. Des pas sur les petits cailloux gris de la cour. Ca crisse. Extinction de la lumière extérieure. La porte qui se ferme sur le quotidien des jours d’école, d’usine et de bureau. Claquement sec du haillon arrière. Bruit glissant de la portière latérale. Vrombissement dans les oreilles et dans tout le corps. Odeurs de gasoil. Râle poussif du moteur qui fait trembler les corps. Et le petit fourgon jaune moutarde largue les amarres dans la nuit d’été. Il serait désormais notre cabane, notre refuge, notre chez-nous dans l’inconnu qui s’annonçait. Je me pelotonne, reconnaissante déjà. Les rideaux laissent filtrer les lumières de la ville dans la nuit. Bientôt, avec la vitesse, effets stroboscopiques jaune orangé des réverbères dans l’habitacle. Paysage urbain haché en creux dans les interstices lumineux des rideaux mal ajustés. Fragments de bâtisses, maisons, immeubles, zones artisanales. La ville par bouts. Devinée. Reconstruite mentalement au gré des indices des tours et des détours.  Rocade. Ronds-points. Au gré des passages de vitesse. Et puis les lumières s’estompent jusqu’à plonger l’habitacle dans la nuit noire des campagnes. Le corps somnole. Bercé dans le ronronnement du moteur. L’œil s’habitue. Et dans les jours, la nuit étoilée.

A propos de Émilie Marot

J'enseigne le français en lycée où j'essaie envers et contre tout de trouver du sens à mon métier. Heureusement, la littérature est là, indéfectible et plus que jamais nécessaire. Depuis trois ans, j'anime des ateliers d'écriture le mercredi après-midi avec une petite dizaine d'élèves volontaires de la seconde à la terminale. Une bulle d'oxygène !

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