#40jours #39 | Sur la route

Partir à l’aube, avant tout le monde. C’est plus fatigant mais il y aura moins de monde sur la route. Ce que tu te dis pour te persuader. Les enfants dormiront à l’arrière du véhicule, dans le désordre et l’accumulation des bagages. Une chance d’avoir la paix. Avant le lever du jour, la faim qui tenaille, le besoin de s’arrêter, et les premières chaleurs qui deviennent vite insurmontables en cette saison. Charger la voiture plus que de raison. Tout emporter. Difficile de s’en empêcher. C’est comme un déménagement, chaque année la même histoire. Personne dans la famille n’arrive à se restreindre. Ne prendre que le strict nécessaire, malgré les mises en garde répétées. Les dernières minutes avant le départ, la tension monte. Le moteur de la voiture tourne déjà. Les enfants sont à l’intérieur. Ils n’ont pas réussi à dormir, trop excités à l’annonce du départ. Ils attendent le départ. Ils dormiront en chemin. La route est longue, interminable. La voiture pleine à craquer. Mais tu n’as qu’une idée en tête, qu’une obsession sous la forme d’une question : est-ce que je n’ai rien oublié ?

Il y a la fatigue du voyage, les longues heures coincés dans l’habitacle de la voiture, enfermés, rien qu’un petit arrêt sur le bord de la route, le reste du temps, on a beau regarder le paysage défiler, plaisanter pendant les premiers kilomètres en se remémorant des instants partagés pendant ces vacances qu’on fait défiler chacun son tour évoquant une anecdote, un souvenir, un fou rire, avant que les mots s’arrêtent brusquement laissant place à un silence pesant qui nous fait nous demander si on ne mettrait pas plutôt un peu de musique mais pas envi d’écouter la musique qui a bercé l’aller, pas envie de revenir en arrière. Le paysage derrière la vitre semble différent lui aussi, tout est plus lointain soudain et nous apparaît à distance avec ce léger pincement au cœur au moment de terminer un livre qui nous plaît, de renoncer à une vieille habitude, de découvrir que l’arbre qui nous faisait de l’ombre dans le jardin du voisin a été abattu. Mais la fatigue n’explique pas tout. Au moment d’entrer dans la maison, on ouvre la porte, les enfants se précipitent dans leurs chambres. On ouvre les volets à la hâte, les fenêtres pour aérer la pièce qui sent le renfermé. On dispose les valises qui encombrent le passage dans un coin de l’entrée pour ne pas trop gêner les mouvements. Au retour, il y a toujours cette impression que la maison paraît plus petite qu’avant notre départ.

A propos de Philippe Diaz

Philippe Diaz aka Pierre Ménard : Écrivain (Le Quartanier, Publie.net, Actes Sud Junior, La Marelle, Contre Mur...), bibliothécaire à Paris, médiation numérique et atelier d'écriture Comment écrire au quotidien : 365 ateliers d'écriture, édité par Publie.net http://bit.ly/écrireauquotidien Son dernier livre : L'esprit d'escalier, publié par La Marelle éditions Son site : Liminaire