autobiographie #03 | des arbres comme écriture Saisons, voyages, métaphores …

« Tu n’as rien vu à Hiroshima »

SAISONS 

Marcher, en regardant les empreintes laissées au sol, dans les herbes, ou dans la boue, le long des chemins tranquilles dans la campagne, à l’ombre des arbres. Se sentir apaisée par leur ombre bienfaisante.

Puis le regard indifférencié se fait scrutateur des différences qui nous avaient échappées ou laissé indifférent dans un premier temps. Une transition entre inattention et observation. Le tronc, les feuilles, la silhouette, l’emplacement, la saison, les couleurs, les formes, l’allure, la taille, l’âge supposé, …Tous les signes visibles d’une rencontre singulière, concentrés. Passer d’une abstraction au sujet ARBRE. Reconnaitre le connu et l’inconnu.    

Les saisons font défiler des troncs nus, les bourgeons arrivent, des fruits, des fleurs, des feuilles. Nous saluons le printemps, la floraison des cerisiers. Un temps éphémère, une joie partagée, un passage entre ce qui nous quitte et ce qui nait à nouveau. Une alternance de tristesse et d’émerveillement, d’abandon et de retrouvailles.

VOYAGES

Parcourir des géographies inconnues, conquérir des territoires, collecter des espèces végétales, faire des herbiers, classer, nommer. Du vaste monde, ramener un peu de gloire et des preuves botaniques. Cartographier. Localiser. Conserver. Perpétuer. Montpellier.

METAPHORES

L’arbre aux sabots. (Démesure). L’arbre aux souvenirs. (Expansion)

TEMPS PRESENTS  

Fragilité et sensibilité du monde du vivant, le sujet majeur de l’époque contemporaine qui perds ses repères. L’inventaire des espèces devient inventaire des connaissances. Comment préserver la richesse des espèces qui nous entourent se demandent les savants, les chercheurs, les amoureux de la Nature ? Dans le même temps, on coupe des forêts sans remord, à tout va, on saccage ici et là des espèces qui ne demandaient qu’à vivre, on sacrifie des paysages mémoriels. Nos paysages sont devenus des champs de batailles, des enjeux économiques sans loi.

INVENTAIRES

 Ecrire, perchée dans un 3ème étage. D’un côté les frondaisons des arbres d’un petit square sur une place modeste. Un peu plus loin, en perspective, la crête des arbres du square qui abrite un plaqueminier.  Lorsqu’il n’y a plus ni feuille, ni fruit aux alentours, ses fruits orange se détachent, avec bonheur et une pointe d’insolence. De l’autre côté, un magnifique figuier, un univers s’ouvre. Le jardin du grand- père. Planté à côté du puit, un figuier immense, une fierté pour le grand-père et lieu d’une tranquille fraicheur. Une ombre douce. Une croyance, venue d’on ne sait où, se perpétuait : ne pas faire la sieste sous le figuier, au risque de ne pas se réveiller. Enfants nous étions peu concernés par la sieste et les croyances, explorateurs infatigables de ce jardin, toujours en mouvements, en quête d’inaccessible. L’hiver, des rugissements de lions. Un petit cirque familial logeait, un peu plus loin, ses animaux pour le repos hivernal. L’esprit d’aventure nous habitait joyeusement.  

PAYSAGES

Se fondre dans le paysage, d’un pas lent, attentif aux craquements des feuilles, à la forme des branches, aux plis des écorces, aux alternances d’ombres et de lumières. Être en harmonie avec le paysage. Se laisser surprendre par l’inattendu, une espèce rare, une forme peu commune… Des souvenirs remontent, le tilleul de la petite école, le sapin immense fendu en 2 par la foudre, les forêts de pins landaises …Se laisser traverser par un étrange sentiment de familiarité, une forme de quiétude. Dialoguer en silence.

GINGKO BILOBA (ou abricot-argenté)

Au printemps, on le remarque peu. Et puis l’automne arrivant, ses feuilles jaune-vif éclatent dans le paysage. J’aime la compagnie de ces paisibles centenaires (plantés en 1795), proches du « jardin alpin », la partie qui semble appartenir aux riverains fidèles du Jardin des Plantes. Chacun s’y sent chez soi, plongé dans ses lectures ou ses cheminements intérieurs. J’y viens méditer, chercher des réponses qui peinent à se formuler, des idées aussi, le calme suscite les idées créatives, inspire mille choses… Ces centenaires sont comme mes aïeux que j’ai peu connu, une inscription dans une durée, un enracinement dans un lieu, moi qui, si souvent, suit dans les nuages. Être à la fois dans les nuages et enracinée, une posture délicate à ne pas perdre de vue ni en route ! Le système racinaire du Gingko est, disent les spécialistes, extrêmement développé. Il faut imaginer un système racinaire aussi grand que la partie aérienne des branches et des feuilles.

Et puis le gingko a résisté au bombardement d’Hiroshima, qui signe un avant et un après dans l’histoire de l’humanité.

Les scientifiques disent que le gingko n’aurait pas d’autres prédateurs que les humains.

Je viens ici cultiver des liens d’amitié, d’affection, comme si on pouvait réparer l’irréparable, et tour à tour me fait discrète ou rayonnante, me laissant traverser par cette étonnante vitalité, le leg de mes aïeux.

Codicille

Je considère ce texte « en travaux » mais il faut bien que j’avanceJ’aurai aimé prendre le temps d’aller chercher d’autres paysages, d’autres arbres …Retrouver des vieux carnets de croquis…

A propos de Annick Nay

Des bords de Loire aux bords de Seine, Annick Nay vit actuellement à Paris. A toujours aimé écrire au gré des saisons et de ses pérégrinations … ECRIRE quelquefois, souvent, pas du tout ECRIRE inspirée, aspirée par une urgence ECRIRE des brèves, des textes longs, (soupir), comment savoir ? ECRIRE quand l’écriture fuit ECRIRE au rythme de ses insomnies ECRIRE explorer , persévérer ( se dit-elle)

2 commentaires à propos de “autobiographie #03 | des arbres comme écriture Saisons, voyages, métaphores …”

  1. je sais le parcours du combattant pour une première publication, donc double bravo ! et se dire qu’ici ce n’est pas poster un texte et l’oublier mais qu’on peut toujours nourrir, reprendre, prolonger… ça pourrait presque faire un dictionnaire…

  2. Merci pour votre attention. Oui, j’apprécie bcp le fait qu’on puisse retravailler ses textes au gré des échanges, des inspirations… non pas se remettre en route, mais être en route en continu