S’en vient

L’apparition suspend sa trame filandreuse par dessus quelques aspérités rocheuses que réchauffent graduellement les premiers feux du levant. Sur la grève, le petit monde diurne des crustacés profite d’un ultime instant de fraicheur afin de regagner l’humidité protectrice des flots que rapproche la marée montante, cependant que l’écume lance avec obstination ses troupes d’ivoire à l’assaut des masses de granit rose incidemment éployées en contrefort de la terre. Dans les airs, le cri des mouettes multiplie leurs stridences plaintives. Attentives au moindre chatoiement prometteur d’une écaille de poisson, elles tourbillonnent sur les courants ascendants, à l’affut d’un premier repas.

Devenir. Il faudra devenir, mais alors je ne serai plus. Ou bien subsistera ce qui constitue la nature de ce qui me change. Je serai donc cette façon propre de ne pas être une essence immobile, je serai ma propre fin dans une modalité unique de changement qui constituerait la continuité de mes variations. Car l’éclatement n’est pas mon lieux. Il semble bel et bien que je rassemble la synthèse de mes expériences. Au moins lorsque cela m’arrive par la reconstruction de mes pensées. Dans ces moments de réconciliation je suis, j’existe et communie au-delà de moi-même et …

Il ne lui semblait pas que ces constatations provinssent d’une inspiration consciente. La voix qui se frayait un chemin sous le replis de son esprit souhaitait advenir à la parole, reléguant son âme au rang d’un spectateur écarté, indirectement responsable des détails de conduite d’une embarcation dont il ne lui était pas nécessaire de connaitre la destination. Il savait qu’elle pouvait le mener à bon port à travers toutes les avanies … si seulement il ne lui en coûtait tant d’attendre …

A propos de Clement Martin

Hop. J'en suis. Jeune enseignant très heureux de sauter le pas de l'action dans cet atelier de François Bon dont je scrute avec intérêt les vidéos et recommandations depuis un certain temps et qui sont devenues pour moi une source de motivation constante. Grand désir de plonger cet été sous les mots afin d'inonder mes habitudes d'un coup de pouce littéraire. Matériel d’écriture : table basse sur parquet clair qu'éclaire une fenêtre de toit en sous-pente, boite chinoise en porcelaine, tasse à thé en terre cuite régulièrement approvisionnée munie de sa bombilla en cours d'oxydation, ordinateur Lenovo à quinze pouces, lampe de papier, coussin de kapok (2), banquette de kapok, matelas de kapok, méridienne d’occasion, fauteuil de cuir brun, piles de livres dans de nombreux coins, tête farcie par les ambitions du jour.

Un commentaire à propos de “S’en vient”

  1. Pas résisté à lire #1 ! Et eu bien raison. Très interessant ce devenir et la continuité, et aussi « La voix qui se frayait un chemin sous le replis de son esprit souhaitait advenir à la parole, reléguant son âme au rang d’un spectateur écarté, indirectement responsable des détails de conduite d’une embarcation dont il ne lui était pas nécessaire de connaitre la destination ». Superbe. Merci.