#enfances #05bis | «ferme, moussaillon !»

  • Passé de l’ombre à la lumière, le cœur soulevé par la chaleur d’août.
  • Sur la table de chêne noir, effleurer les livres empilés, attachés par des rubans, futures récompenses, prix d’Honneur, d’Excellence…
  • Premier anneau enfilé sur le bâton tendu à l’horizontale, deuxième tour, anneaux brinquebalants au manège.
  • Manipuler avec précaution ses timbres de collection, ce bleu, si précieux « milliards de marks ».
  • Nocturne, furtive, la « petite souris » a troqué ma dent contre une ligne au flotteur bariolé ; on ne voit que lui sur le marbre noir de la cheminée.
  • Une allumette, une feuille de journal, branchettes, écorces, « bourrée », la flamme monte, claire, réchauffe d’abord les yeux.
  • Enfant qui pleure son voilier immobile au centre du bassin ; le fil d’une bobine, tendu en diamètre, croche le mât, le ramène au port, petites mains qui battent.
  • Flamme rouge traversant le pommier, l’écureuil.
  • Cachées, incertaines, découvertes au vent des genets, billes immobiles, regard fixe du chevreuil.
  • Au cœur de la retraite aux flambeaux, brandir fièrement un lampion balancé aux accents de la grosse caisse.
  • Tenir la barre pour la première fois, « ferme, moussaillon ! », le pêcheur assis près de moi.
  • Branché, bien posé sur ses rails, faire démarrer pour la première fois un train électrique.
  • Monter sur l’estrade, devant la classe, prononcer « A moi, comte, deux mots ».
  • De la grosse bouteille au bec courbe, distribuer l’encre violette aux encriers blancs des pupitres, faveur insigne du maître.
  • Au Jardin des Plantes, un jour de taille des arbres, rencontrer son meilleur copain, Athos et d’Artagnan invincibles.
  • Vers le ciel, lâcher la flèche d’un arc fabriqué d’une grosse branche de noisetier, l’arracher du sol où elle s’est plantée.
  • Courir les mains ouvertes sans pouvoir attraper les premiers flocons de neige.

#enfances #04 | Le chien-loup

Un matin comme les autres. Son lot de rêves, leurs images persistantes ; moiteur, mollesse, bourdon d’oreilles. Passage, porte ouverte, le père, au-revoir, recommandations… l’école… debout ! Le froid, soudain, cette bouffée de sueur, le dos glacé, frissons comme une houle, des genoux au menton ; image du chien-loup sur le mur, au-dessus du radiateur, instable, oscillante. Appel de la mère « Tu vas Continuer la lecture#enfances #04 | Le chien-loup

#enfances #03 | Le Chevalier à la charrette

/ Enfoui. L’univers des pages. Leur nombre énorme sous l’épaisse couverture illustrée. Je n’ai pas eu à décider. Avancé comme à tâtons, bousculé par des consonances insensées, cahoté sur des chemins ravinés ; dégel. Trottant en troïka, sautant de malle-poste en tarantass, en kivitka… Il sait qu’on l’appellera, il a confiance, on viendra le chercher. Perdu aux confins, Sibérie, Sibiria, il Continuer la lecture#enfances #03 | Le Chevalier à la charrette

#enfances #02 | Ô Fortuna !

L’armoire On va refaire les « chambres du haut », peintures, tapisseries, il est temps d’éclaircir ces pièces aménagées dans les années 30… Le vieux papier peint à rayures se décolle par lambeaux, l’éponge imbibée de St Marc chaude et les spatules achèvent le travail. Première surprise, sous l’épais papier poussiéreux, des feuilles de journaux recouvrent le plâtre, la presse fin de Continuer la lecture#enfances #02 | Ô Fortuna !

#enfances #01 | Questions

Il y a l’Allemande, l’Anglaise, Monsieur Louis. Quand nous passons devant la loge de Mme C., nous sommes rejoints par « l’Allemande ». Nous sortons de la guerre, à la maison, dans la famille, autour de nous, on parle encore beaucoup de cela ; chez les commerçants, une fois tamponnés, je récupère les tickets, c’est ma collection… jusqu’au jour où madame Tartex, la Continuer la lecture#enfances #01 | Questions

#enfances #00 | Immobile, perdu.

Au croisement des allées, assis sur une souche, odeur douceâtre, décomposition, humus. Attendre le retour du père parti avec le chien, depuis combien de temps ? Forêt encore feuillue, a changé de couleur, dense, impénétrable hors des chemins ; la lumière se déplace, comme jouant, tremblante, dansante, dévoile, dissimule, tours, détours, tourbillons du vent, automne. Ne pas pleurer, impératif. Les raisons s’alignent Continuer la lecture#enfances #00 | Immobile, perdu.

#été2023 #16 | Le projet

La première partie du texte consiste en un assemblage plutôt hétéroclite de fragments tentant de répondre aux injonctions littéraires nées des composants classiques du roman : lieux, personnages, situations, temporalités… En première (re)lecture, on constate que l’auteur ne suit pas un projet d’ensemble, une ligne directrice, imaginant une ou plusieurs intrigues tissées avec les éléments du fatras initial ; il semble avoir Continuer la lecture#été2023 #16 | Le projet

#été2023 #15 | La Terrasse

/ 8h30, entrée du lycée Marcel Roby, à St Germain en Laye, examen d’entrée en 6ème réussi. Ce premier jour, c’est le père Morel qui nous emmène dans sa Vedette vert-pomme, suspension velours sur 10 km, six cylindres, quatre mômes, parlent peu, n’en mènent pas large, Morel raconte une blague. Largués sur l’avenue, devant la porte, deux ou trois-cents gamins Continuer la lecture#été2023 #15 | La Terrasse

#2023 #14 | Réveil au parking

Réveil, reprise de conscience. Lumières, flashs, blancheur, grande salle, gare de triage, mouvements, lits roulés jusqu’à leur parking. Conversations « Celui-là, je le mets où ?- Pousse-le jusqu’au 5, tu sais bien, les patients de Blaise ». On me pousse, vers un box, une alcôve. Un moniteur, écran fond noir, courbes mouvantes en bleu-vert, en rouge, pied à roulettes, m’accompagne un moment. Paysage, plafond Continuer la lecture#2023 #14 | Réveil au parking