autobiographies#14 | (2) en… suite

le premier  jour de l’enfant

l’odeur de son sommeil à la commissure du cou et de l’épaule

le premier matin de la nuit des amants

L’AURORE de Murnau, l’aurore de Murnau

l’aube de Rimbaud

le cercueil qu’on redresse à la verticale pour passer entre les portes étroites et on ne sait pas bien où est la tête dans la boite qui penche

l’élégie de Fauré et leurs doigts fauchent les notes   

le mère de Dumbo dans sa cellule

la fusée de Mélies dans l’œil de l’astre

un petit pas pour l’homme et un bond de géant pour l’humanité dans une image pleine de bruit

la pleine lune de la fenêtre avec son visage de nuage qui reste dans la tête de l’enfant qui regarde

les boites de vache qui rit et le chandail de laine bleue tricoté main

l’enfant du sixième sur le brancard dans le couloir cramé des chambres de services

David Copperfield à la lueur d’une lampe et ce papillon qui cogne l’abat jour quand David pleure

une main qui déplace une mèche, la sienne; le gant humide qu’elle porte au front du petit, la bassine qui se remplit

quand elle mime les doigts du rabbin pour la circoncision du petit Rothschild, où qu’elle raconte l’histoire de John Ferguson qui avait « shon vergessen »

les suppositoires à la nitroglycérine  que tu demandes au pharmacien et tu rougis

Le salaire de la peur que tu n’as jamais vu

le jour ou De Gaulle meurt : bal tragique à Colombey, 1 mort

le  vaporetto de Mahler qui se superpose à la toile bleue de  Nicolas Staël

la rue en liesse de 1981 avec la pluie comme pour un mariage heureux 

l’union désunie de la gauche et la veuve qui se taira.

la lampe orange sur la moquette prune d’une pièce qui te parait immense ;  leur air grave pour dire qu’ils se séparent 

la mariée engloutie de l’Atalante, celle de La nuit du chasseur

Façon tragique de tuer une femme de Nicole Loraux

Deleuze qui dit : «  pour les bêtes c’est à dire à la place de »

le corps de Nastassia Philippovna qui pue ;  la mort d’Emma : Sa poitrine aussitôt se mit à haleter rapidement. La langue tout entière lui sortit hors de la bouche; ses yeux, en roulant, pâlissaient comme deux globes de lampe qui s’éteignent, à la croire déjà morte, sans l’effrayante accélération de ses côtes, secouées par un souffle furieux, comme si l’âme eût fait des bonds pour se détacher.

le sourire intérieur du mécano de la générale ses mains dans un film de Beckett

la gare d’ Oświęcim  et la contrôleuse à casquette du train vide

Les images qu’on croie disparues, tout ce qui revient pour disparaitre.

« Parlez moi du sous sol »

la souffleuse du trou qui était la mémoire d’un théâtre

A propos de Nathalie Holt

Rêve de peinture. Quarante ans de scénographie plus loin, écrit pour lire et ne photographie pas que son lit.

3 commentaires à propos de “autobiographies#14 | (2) en… suite”

  1. (je ne sais rien de la consigne, mais) ce voyage dans tes rêves, tes chez toi, et tes ailleurs, enroulé sur un air languissant et secret qui pour toi seule… entrebaille pour nous un infini des suites,

  2. «  tout ce qui revient pour disparaitre » Merci Nathalie Holt pour ces tisses faites aux mots qui -comme le souligne en effet Catherine Serre- emportent, ouvrent les portes à des suites, fugues et variations infinies. Merci aussi, au passage, pour Nicole Loraux, entre autres sentes évoquées.