autobiographies #07 | portes, puertas, deuren

Porte d’entrée en bois brun, agrémentée d’une grille en fer forgé et de vitres ocres. La poignée aussi en fer forgé, est difficile à manier. C’est une porte lourde, à la fausse allure médiévale. Porte d’entrée d’un pavillon de banlieu des années quatre-vingt. On ne l’utilise jamais. Si les habitants passent par la porte de derrière, celle qui donne sur le cellier puis la cuisine; les invités sont introduits par la porte-fenêtre du salon.

Porte en bois des étroites toilettes d’un appartement où je suis invitée. Je bloque le verrou de métal, mais n’arrive pas à le tourner dans l’autre sens. Je suis bloquée, je m’angoisse, je ne peux plus respirer, mon coeur tambourrine. J’appelle, je frappe la porte de mes mains à plat, je suis oppréssée par ces murs si proches l’un de l’autre, je pleure assise au pied de la porte pendant plusieurs heures. Voyant que personne ne me vient en aide, je me relève et essaye à nouveau. Le verrou cède à la première tentative. La porte s’ouvre doucement sur l’extérieur, un monde auquel j’avais fait mes adieux.

Porte de ville, salie par les éclaboussures de la route juste devant. Les jours de marché, il y a toujours un carton qui traîne sur le trottoir, une pomme égarée qui fini dans le caniveau. Porte verte foncée, engoncée entre un restaurant turque et une épicerie arabe. Il y a les odeurs de kebab dans le long couloir sombre qui mène aux escaliers, mêlées au parfum de la menthe fraîche. Il y a les cris des enfants qui jouent et les pleurs d’une femme qu’on frappe. C’est mon premier chez-moi.

Large porte vitrée aux montants métalliques d’une rue anciennement commercante. La porte s’ouvrait sur une boutique de vetêments désormais abandonnée. A ses côtés, la porte de bois qui mène aux logements. Puis une autre porte au pallier du troisième étage. Il faut ouvrir trois portes pour arriver chez moi. Je maudis cette succession quand je suis pressée, mais j’aime secrètement cette barrière avec l’extérieur. C’est comme entrer dans un autre monde, le bruit de la rue est assourdi, on n’entend plus que la rumeur.

Lourde porte en bois à la peinture écaillée. Elle est fatiguée, un peu collante où l’on pose ses mains pour l’enfoncer, les gonds grincent. Il faut lever le pied pour entrer dans le long couloir sans lumière. L’interrupteur est un peu plus loin sur le mur défraîchi, juste avant la longue rangée de boîtes à lettres bringuebalantes. Au sol, une mosaique de carreaux qui avaient été noirs et blancs, il y a longtemps. Une nuit, j’y ai croisé une anguille rampant sur le sol, poursuivie par des jeunes hilares.

Porte de bois brun, poignée métallique. Elle a l’air très ordinaire comme ca, mais elle a du caractère, il faut bien la connaitre pour la fermer et l’ouvrir. Introduire la clé dans la serrure, soulever la poignée vers le haut d’un geste brusque, tourner la clé vers la gauche tout en appuyant son pied sur la plinthe et tendant tout mon corps vers l’arrière. Clac, j’ai le mot de passe, le verrou tourne. Mais je serais restée assise à ses pieds plusieurs fois avant d’y réussir. Avant de partir, il faut cacher la clé entre deux poutres du toit de la cabane, au fond du jardin.

Il faut monter une quinzaine de marches en pierre pour atteindre le seuil que se partagent quatre portes de bois peintes en vert. La mienne est propre avec trois petites vitres carrées en haut. Mais on ne voit guère l’intérieur, le voisin y a collé des protections pour empêcher les curieux d’y mettre leur nez. On ne voit pas les escaliers de bois, le petit paillasson de moquette grise et le parapluie du voisin accroché à la rampe. Dans les escaliers, cela sent la cire et le tabac, parfois le chien mouillé.

A propos de Irène Garmendia

Lectrice par amour des mots et des histoires. Voyageuse immobile, perdue entre plusieurs langues, a récemment découvert le jeu d'écrire.