autobiographies #07 | trois lieux et quelques portes

n’ayant aucune photo d’aucune des portes citées, et en totale décalage, une photo d’une humble, mais pas tant, et gentille porte de jardin avignonnaise

Paris, rive droite. En tirant les deux portes en bois de l’ascenseur toujours un rien brinquebalantes, en étendant le bras, saisissant la poignée en fer forgé de la grille, en posant le pied sur le terrain plus ferme du palier, on se trouve entre deux grandes doubles portes de bois autrefois verni que relient un étroit tapis où le rouge et le noir se mêlent depuis des années et face à une banquette cannée qui n’a dû que rarement recevoir un fessier ; sur la porte de droite est percé un oeilleton et c’est avec un sentiment désagréable qu’on se tient devant celle de gauche, sentant dans son dos ce regard éventuel, en attendant que la vie s’éveille en réponse au son que notre doigt appuyé au centre d’un rond de faux marbre à déclenché.

A l’intérieur, passée la porte, dont deux panneaux d’une très vieille tapisserie cachent la porte, le verrou, la serrure et le loquet, on se retrouve dans un hall assez étriqué, à peine plus large que cet accès, sur lequel ouvrent trois portes vitrées, celle de droite laissant apparaître confusément, dans la pénombre qui règne sur la rue étroite et sombre qui semble garder le souvenir des petits trains à vapeur de la ligne de ceinture, le grand vitrail de la fenêtre sur cour, tandis qu’à gauche la première, double également, s’ouvre sur le salon, les deux portes-fenêtres étroites et le petit balcon, la dernière, simple mais également vitrée, donnant sur la chambre principale, face à la porte couverte de papier peint et toujours ouverte du long couloir qui dessert cuisine, salle de bains, le bureau, une grande chambre au fond comme reléguée.

Autre lieu, dans le sud, au dessus des vieilles et vivaces stations balnéaires, en venant de la petite route qui serpente pour grimper une colline – on la nomme chemin et elle le mérite – il n’y a pas de porte, juste sur la gauche une pile en pierres jointoyées assez basse, muni d’une petite cloche, après lequel reprend pour un temps le muret de pierres sèches qui laisse rapidement place à une frontière symbolique, et sur la droite, à côté d’un grand cyprès une boite à lettres métallique, un panneau de céramique portant le nom de la propriété et un petit panneau de bois sur lequel est peint simplement « privé » ; le chemin, terre et ornières, qui s’élève doucement vers le sommet de la colline entre les rangées de vignes est visible affirmation du refus de toute présence non désirée ou intempestive et il ne viendrait à personne l’idée de franchir ce seuil sans une bonne raison.

Le long bâtiment bas qui borde la terrasse, le parterre de plantes grasses naines, auquel on accède en descendant quelques marches depuis le terrain de terre sèche qui sert de parking est ponctué de portes de bois peint d’un vert soigneusement délavé qui ferment des réduits pour le matériel de jardinage, le potager, une chambre de secours éclairée par un fenestron, le chemin se terminant par un saut de loup assez large sur laquelle s’ouvre, à gauche, la porte vitrée de la cuisine, à l’arrière de la grande maison carrée, reprenant le style des anciennes maisons paysannes, simples et robustes, à mille lieux des fantaisies des villas des lotissements.

En tournant autour de la maison,en laissant derrière soi la petite porte d’entrée qui semble éternellement close, on débouche sur la grande terrasse, les six portes fenêtres – pour chacune : deux soubassements de boiserie verte, repeinte de neuf surmontés chacun de trois carreaux – régulièrement espacées dont les trois premières, celle du grand salon pièce à vivre sont, avec la petite porte de la cuisine, l’accès normal à la demeure.

Alger, une porte de bois à la peinture brune craquelée, encadrée d’un chambranle d’acier, percée dans un mur de jardin faisant suite à une maison sans caractère, une sonnette, une poignée au dessus d’une serrure que l’on ne ferme que la nuit.

Dans le jardin qu’une haie partage en deux moitiés sensiblement égales, une terrasse de ciment autour de la maison, quelques fenêtres et une double porte sous une imposte en verre gaufré – bois peint comme la porte de la rue et un simple bec de cane en aluminium –, généralement entrebâillée, donnant sur le hall carré de l’appartement qui occupe une moitié du rez-de-chaussée.

Les portes de l’intérieur, à l’exception d’une porte vitrée au fond à droite du hall, donnant sur le salon et la chambre des parents qui communique avec lui, sont toutes de simples portes de bois peintes du même ton blanc cassé que les murs, munies du même bec de cane ordinaire que la porte principale.

image ©Brigitte Célérier – Avignon

A propos de Brigitte Célérier

une des légendes du blog au quotidien, nous sommes très honorés de sa présence ici – à suivre notamment, dans sa ville d'Avignon, au moment du festival... voir son blog, s'abonner, commenter : Paumée.

4 commentaires à propos de “autobiographies #07 | trois lieux et quelques portes”

  1. Quelle superbe promenade, la tendresse et l’humour mêlés, le parfum des choses, c’est étonnant ça, on sent véritablement les odeurs de tout , peut-être parce que cette patience libère…