autobiographies #07 | trois portes (pour commencer)

La porte de l’appartement HLM orange. L’ouvrir et la refermer précautionneusement, sans faire de bruit. Il y avait sans doute la porte de l’immeuble aussi. A ouvrir. Une porte lourde qui se refermait sous propre son poids dans un léger claquement net et sans bavure. Probablement.

Cette porte-là, je ne la sais plus. En revanche, je me souviens de la petite grille noire en fer forgé. Que je me rappelle très basse. A hauteur de taille d’adulte. Il fallait se pencher pour l’ouvrir. Elle donnait sur un vaste rectangle bétonné ou herbu, recouvert de petits cailloux gris. Mais la porte d’entrée décidément aucun souvenir. Il y avait un seuil. Le souvenir d’une photo en témoigne. Cette porte pourtant je la guettais. Son ouverture et sa fermeture. Cette porte pourtant, il m’a fallu la franchir ce jour-là. Comme il m’a fallu, juste avant, descendre les escaliers. Marcher sur les petits gravillons gris. En chaussons. Ouvrir la petite grille noire. M’avancer sur le trottoir pour voir, à travers une autre porte, de l’autre côté de la rue. S’assurer du bien là, du bien vivant derrière cette autre porte voisine. Rires, gestes et paroles muettes à travers cette porte. Il m’a fallu retourner sur mes pas pour franchir un autre portillon, oublié aussi celui-là, celui de la voisine de la petite grille noire, et puis m’avancer jusqu’à la porte de sa maison, oubliée celle-là, aussi, avant de pleurer. Et puis. Des portes se sont rouvertes et refermées. Portes-sas. Larmes et cavalcades dans les escaliers. Et pour finir, la porte de la chambre. Refermée sur la peur, la solitude, les larmes et le ventre noué.

Porte bourgeoise. Verte. Deux ou trois marches pour y accéder. Derrière, un long couloir en carrelage de céramique. Ouvragée. Partie basse pleine. Partie haute deux fenêtres occultées par un rideau et une grille volutée en fer forgé. Un large bouton de porte en laiton en son centre qu’il fallait tourner vers la gauche pour ouvrir la porte. Une longue clé. A l’intérieur, un loquet. Elle se refermait toute seule de tout son poids de porte de maison bourgeoise.

A propos de Émilie Marot

J'enseigne le français en lycée où j'essaie envers et contre tout de trouver du sens à mon métier. Heureusement, la littérature est là, indéfectible et plus que jamais nécessaire. Depuis trois ans, j'anime des ateliers d'écriture le mercredi après-midi avec une petite dizaine d'élèves volontaires de la seconde à la terminale. Une bulle d'oxygène !