lily-pad | liliane laurent

Fragments: « ces calmes blocs ici-bas chus » Barbara Cassin

#19/01

échues dans un futur antérieur:

il aura fallu tout ce temps

mais n’est-ce pas l’oeuvre

de l’oubli

pour ramener

ici

ça qui aura été

#28/12

récupéré de mes carnets

Souvenirs d’avenir: les avant qui n’ont pas eu lieu. Ce qui s’est passé / ce qui est passé / dépassé / ce qui ne s’est pas passé et donc est resté là en rade, dans quel port oublié / pas dépassé / pas passé / ce qui s’est déporté vers un ailleurs qui est ici/ maintenant/ ce qui porte à conséquence / ce qui importait/ ce qui s’exporte/s’insupporte/ ce qui suppose/ s’impose/ se dépose / repose/ ce qui s’est détaché / ce qui s’est entaché/ attaché / ancré / incrédule

#27/12

( à partir de la première page de Le silence des dieux, de Yahia Belaskri)

Je sais. Sur les traces de mes ancêtres, là où l’on célèbre les noces de la brume et de l’argile, à l’ombre des peupliers naît la morosité. Trouble des pas glissant dans la boue des chemins, rêverie moyenâgeuse, les voies pavées longent des haies et offrent un monde secret où règne l’âpreté des temps anciens. Au milieu des bosquets, des granges et des églises fortifiées seul le murmure d’un ru glissant à travers les pâtures rompt le silence. Les saules têtards se dressent hirsutes dans le brouillard. Je sais. Au milieu du bocage de ce pays, les hommes s’effacent pour faire place à la litanie des briques vernissées et de l’ardoise. Une litanie qui se joue des idoles modernes…

#40 instructions

Je parie que tu n’aimes pas le mot carnet. Je t’en propose d’autres: bulletin (la météo de ton inspiration), calepin (pour ta poche) almanach (vers les mots) mémento (pour survivre) répertoire (tes petits cailloux alphabétiques) carnet de voyage (illustré) bloc-notes (pour ne rien laisser échapper) journal (de bord) log book(pour ta gouverne) diary, pad (pour tes pattes de mouche) Bien sûr tu notes tout sur ton téléphone mais aime les ratures, les doodles dans la marge (c’est ton esprit qui gambade) l’encre qui pâlit en fin de cartouche et ta calligraphie unique.

Une nouvelle page chaque jour, même pour juste une ligne. Et colle des paperoles, ça donnera du relief, le fugace saisi dans tes filets, papillon prêt à s’envoler.

Tu peux tenter d’écrire à la manière de… c’est assez savoureux. De toute façon dis-toi que ce n’est pas toi qui écris. Tu le vois bien dès que tu te relis.

Continue de penser que toutes ces entrées quotidiennes ( c’est joli ce mot entrées) font partie de ce grand espace collectif qui vient de s’inventer. LL  

#39 ce dont on ne peut parler

Je vous écris cette lettre sans espoir de réponse. Je vous écris du lieu de l’absence. Au fil du temps les zones d’ombre se sont épaissies, mes souvenirs se trouent ou se trompent. Au point de douter de ce que j’ai cru vivre auprès de vous. Cela me laisse amère. Est-ce vous qui vous cachiez, est-ce moi qui étais trop candide, ou bien la vie est-elle ainsi faite de ce qu’elle occulte. Parfois je me sens trahie, parfois le mystère me fascine. C’est sans fin. Béance entre les actes qui naissent des paradoxes que je chéris aussi. On recouvre de mots le lieu inaccessible mais les corps tracent leur propre récit. Ils ont le dernier mot. 

#38 stratégies du rêve

Enfant, j’étais triste d’entendre que certains ne rêvaient pas, disaient-ils, ou bien seulement en noir et blanc. J’aime plonger dans ces espaces intérieurs, parfois baignés d’une lumière dorée. Je parcours des ruelles en pente dans des villages perchés, à flanc de colline, égarée, sans crainte à l’intérieur du labyrinthe où apparaissent divers personnages. Un matin Eva Jospin disait à la radio qu’elle rêvait souvent d’une maison au fond de laquelle elle découvrait des pièces abandonnées. Quelqu’un partageait donc mon rêve récurrent aux multiples variations, que j’aime noter tellement le décor en est précis et riche de détails. Elle m’a attendrie, rendue aussi perplexe. Nous avions cet onirisme en partage. J’aimais déjà ses forêts de carton ondulé. C’était la première fois qu’une inconnue rêvait mon rêve. Tiens, ça ferait une nouvelle pour Borges.

#37 dû par cœur

Rondel. Puis ca puis la / et sus et jus / de plus en plus / tout vient et va / tous on verra / grans et menus / puis ca puis la / et sus et jus / vieulx temps desja / s’en sont courus / et neufs venus / que dea, que dea / puis ca puis la. Charles d’Orleans. Berceuse vaillante de la merencolie. Dans ce beau volume de 1926, dont j’avais dû couper les pages pour avoir accès au trésor. J’ai dû écarter Xanadu, la licorne de Rilke, Gastibella, Blake, Supervielle, etc. Chacun son moment, chacun son délice gourmand. Mais en sus le plaisir du vieux français, décalé, de même Villon. Et Shelley, et Keats et Yeats, et Bonnefoy et Dickinson, et lui et elle, et Wilde aussi et j’en oublie.

#36 routine du lire écrire, et quoi faire de mieux

Un matin d’hiver parmi d’autres. Dans la lumière blafarde, on tourne la tête pour lire l’heure. Trop tôt. On se reblottit sous la couette. Deux heures plus tard devant un mug de café l’index ouvre le fil en continu de l’appli du Monde. L’oeil glisse sur les titres. Puis le Guardian, onglet culture, books. Ai lu 65 livres sur 100 des best novels of all time ( de langue anglaise) mais seulement 8 des 100 meilleurs du 21ème siècle. Soupçon de ridicule. Ne pas regarder les 100 meilleurs non fiction books of all time. Pourtant c’est tentant. Le doigt ouvre Mediapart, scroll rapide. Le café a refroidi. Il est temps d’en faire un deuxième, Shanghai Lungo. Cette fois nettoyage des mails, ouverture de l’agenda. To-do list à moduler selon l’humeur. S’installer confortablement pour ouvrir le pdf des dernières contributions, raté, ce sera pour plus tard. Fin de matinée, courrier. Le ministère de la transition énergétique me demande si je suis contente de ma nouvelle chaudière et de leur prime. 12 cases à cocher, ça peut attendre. Enfin l’après-midi rentrée trempée sous la pluie battante, prête à replonger dans Extinction. Marque page glissé page 124. Retrouver la ligne où l’on s’est arrêté mais plus simplement reprendre au haut de la page. « Je crois les avoir compris, avais-je dit à Gambetti, et en même temps je n’ai rien compris, il en est sans doute ainsi de tout ce à quoi je me suis intéressé jusqu’à présent. » Pause. Pas faux. Le temps s’arrête ou plutôt se module sur le souffle du texte car il faut respirer au même rythme que Thomas Bernhard. Presque une ascèse. Plus tard vers 16h on sortira le grand cahier de la pile entassée sur la petite table, entre le Télérama de la semaine et le gros livre de Barbara Cassin sur les sophistes. Lu à petite dose, car je crois que je ne comprends pas ou alors des bribes mais je suis tenace. Puis recopier tout ceci en réponse au mail de François Bon, faire un copié-collé pour le carnet personnel et en profiter pour lire les dernières contributions. Beaucoup plus tard, dans la nuit, on sortira le roman glissé sous l’oreiller.

#35 la panne, l’embrouille

Mais comment as-tu pu vivre tant d’années avec un hyper mnésique ! Un hyper mnésique peut répéter mot à mot une réflexion que tu as faite sept ans avant (ou plus) il peut épater la galerie en citant de mémoire une page qu’il a lue on ne sait plus quand, qui vous dit «  ma mémoire m’encombre » . Qu’est-ce que ça comprend, un hyper mnésique, quand tu bafouilles, tu commences une explication et ça fait pschitt. L’humiliation à Cadix devant le tableau de Zurbaran que tu reconnais et tu ne sais plus rien en dire. Il avait raison, il vaut mieux se taire!

#34 bis

je savais que je ne devais pas aller à ce repas, je m’y suis toujours ennuyée, ce rituel des voisins deux fois par ans, c’est deux fois de trop. On n’y partage que des ragots, des détails sur la vie de gens que je ne connais pas et que je ne souhaite pas connaître. Surtout il y a cette femme bête et vulgaire, au rire gras, dont je me méfie comme de la peste. Je pourrais refuser, ai-je dit, mais non, et je reste assise, muette, un poids lourd, affichant mon ennui. Thomas Bernhard saurait mieux que moi épingler ces personnages de plus en plus grotesques et condescendants.

#34 ah ça serait une histoire pour…

La neige commence à fondre. Dans la rue étroite les marques de pas vont toutes dans la même direction, toutes sauf une, des pas d’enfant. A la radio on parle de la girafe de Laurent de Médicis qui n’a vécu que deux ans. Tout le monde ne peut pas offrir une girafe, dit-elle. 

#33 faire le vide

Fermer les yeux dans le flux de musique de Philip Glass, Liquid Days. Flotter. Choisir Alechinsky et creuser profond dans les couches de couleur, au plus loin, au-delà de la toile. Fermer les yeux et se revoir dans la petite boule transparente au-dessus de Grand Canyon, petite molécule dans l’espace désert érodé jusqu’au strates millénaires. Échappées furtives, fréquentes, un peu folles, d’où l’on risque de ne plus avoir envie de revenir. Aimer pouvoir le faire en dépit de tout. Défi secret. LL

#32 les morts sont parmi nous

Un vieux rabot, une mandoline, une paire de jumelles, un tigre assis, un boa en plumes, des cœurs-de- Marie, un hippo d’ébène, une médaille d’Isis, un pendentif perdu, un camée égaré, un Éros aux ailes repliées, un mot de là-bas sur mes lèvres, une recette de madeleines, un blason inventé, un plat ébréché, un Éros aux ailes repliées, un Éros, des ailes, un œuf en bois, un Éros posé là, remember me, remember me, no trouble, remember me, no trouble, Lehaïm, à la vie.

#31 de l’état du monde

Le cri muet qui suffoque dans la nuit noire, Moloch mécanique, « Moloch dont l’amour est pétrole », Moloch numérique, un zéro un zéro un zéro,  Moloch qui avale les foules déplacées, noyées parmi les poissons de plastique, Moloch sur la terre éventrée qui suffoque. Le cri muet des résistances molles contre le béton armé, les diktats des dictateurs de tout bord, les fake News fabriquées . Assez, assez. Gardez nous un carré d’herbe tendre, que l’on puisse s’étendre en paix. RIP.

#30 fait divers, tout petit fait divers

A l’arrivée des policiers, dans la nuit de mercredi à jeudi, une femme qui avait poignardé son voisin, tente de se suicider en avalant ses chaussettes. N’étant pas abonnée au Dauphiné Libéré, je ne peux vous en dire plus sur cette méthode ni sur les caractéristiques de ces chaussettes. C’est le voisinage qui avait prévenu les forces de l’ordre en entendant du grabuge dans l’appartement de la désespérée. La victime l’avait il agressée, est-il blessé ou est-il mort, je ne sais. Juste qu’on est dans le Vaucluse. Et que le journaliste a fait son titre avec les chaussettes. Forcément, ça intrigue.

#29 on n’aurait pas dû, voilà

Et si les choses s’étaient enchaînées autrement? On dit les choses mais il n’y a pas vraiment de mots pour dire qu’on a été entraîné, pas même entraîné, un déroulé; on a glissé sur le tapis du temps, ou bien une idée de boules de billard qui s’entrechoquent et ça rebondit là où on ne voulait pas, fin de partie. Et aujourd’hui on fait quoi? LL 

#28 ruminé, rabâché, ressassé

Ce noeud ce noeud coulant qui noue les cordes déchanter déchu chu chut pas même pas mèche entêté cheveu sur la langue precious little imprécis qui sussure incertain importun qui empire soupir parlote incongrue non traduite qui parfois vitupère insensée sans témoin moins que rien pourtant néanmoins écho réverbère rêve barbare glas réfrigérant ça déteint sur ton masque figé faux semblant hanté enté sur le noeud ligneux le noeud coulant désenchanté.

#27 pas moi, mais mon double

Je te suis ce matin. Du verbe suivre. Tu as regardé l’heure plusieurs fois avant de te diriger vers ton rendez-vous. Tu as le temps, ça se voit, emmitouflée dans ton col, tes bottines fourrées grises au pied. Tu vas d’un pas tranquille au milieu de la rue piétonne, tu regardes d’un œil amusé les autres passants qui ont froid, dans leur grande écharpe ou pas assez vêtus, le nez rouge. Tu traverses le passage piétons malgré le feu qui n’est pas encore repassé au vert, rien ne brise le rythme de ton pas: un rendez-vous de routine. 

#26 choses nettes, choses floues

L’après-midi comme un long ruban qui boucle et revient, passée l’urgence de poster quelques lettres et paquets, la lumière ouvrait l’horizon sur des voiles de brume à mi-pente du Vercors d’où scintillaient quelques crêtes enneigées, la voiture a laissé la ville derrière elle et a suivi les chemins de campagne à travers les champs parsemés parfois de tournesols tardifs, un rapace a croisé ma route, la brume s’épaississait et un vague cercle opalin tentait de la percer, les phares se sont allumés, le trafic se densifiait jusque dans les rues étroites du centre, une femme baillait sur le trottoir, je me suis garée. LL 

#25 fragment du corps

La chevelure qui cascade en rideau argenté ou cuivré, qui ondule,s’éventaille, plonge. Cheveux lisses qui glissent, qui croissent, qui bruissent en silence. Mèches qui électrisent, vagabondent, sinuent, capricieuses et fantasques sous les risées du vent. On veut te discipliner sous le turban ou le voile, te nouer, te tresser, te raser. Mais tu te libères, éparse, effervescente, échevelée. Désirable. LL 

#24 salle d’attente

Calée sur le fauteuil de velours noir, comme en tas, genoux sous le manteau, la feuille repliée, posée, instable, dessus, le sac entre les jambes, la vue dégagée vers la scène, juste le dossier rouge dans l’intervalle, dossier sans buste ni tête qui dépasse. Aveuglée par un projecteur, enveloppée par le bruissement sonore des déplacements, des arrivées, des éclats de voix, des impatiences. Attente du noir d’où surgira le silence et l’apparition sur le plateau qui s’étend devant, ouvert sur les coulisses où passent des ombres. Prête pour l’effacement, les oreilles déjà avides des phrases déjà lues, il y a longtemps, avides du souffle de la profération, ardente dans l’attente du transport hors de soi. C’était jeudi soir, Othello, Sivadier, Bauchaud. 

#23 dénombrer

2/12 8:57 5° ressenti 2°. 3 duvets de pigeon sur les jardinières, zéro pigeons sur le toit du voisin. 2ème cigarette. 2 déjà !? 2 ou 3? Mettre 10 cigarettes dans la boîte, ne pas aller au-delà. Au bout du compte. Au bout du bout, il y a quoi? 14 mars, Pi Day, au bout du bout des décimales. Qu’est-ce qu’il y a derrière la virgule? 1. 415926535897932…. Ça court sur le plafond. On connaît 62 800 milliards de décimales de Pi. S’asseoir et imaginer 62 800 milliards puis imaginer l’infini. 9:29. 32 minutes. Retour sur terre.  Combien de ronrons en 32 minutes? Combien de bouts de pensée entre les mots écrits ? Et surtout, surtout pourquoi?

#22 on remet ça, mais avec un livre

Puisque dire c’est faire, la proposition ci-après est formulée ainsi et sera réalisée in situ dès que possible. Déposer anonymement dans les boîtes à lettres qui en permettent le passage, condition qui décuple l’aléatoire de l’expérience, les livres suivants: rue du Renard, Sauvagines de Gabrielle Filteau; près du parc de l’Epervière, Ana où la fille du héron; rue du ha-ha, Remèdes à la mélancolie ; au Champ de Mars, Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants (doublon); avenue de la gare, l’anomalie du train 006; rue des balais’ les Pantoufles; rue du Refuge, le monde sensible de Nathalie Gendrot. Il est précisé que ces livres proviennent d’un désherbage effectué cet été et attendaient dans des sacs une nouvelle destination. Il reste à trouver les titres adéquats pour la rue Montplaisir, la rue Belle Image, etc. On conviendra qu’étant données les conditions de l’expérience, on ne saurait en tirer aucun résultat.

#21 faire bouger les choses

Y croire, ne plus y croire, y croire un peu. Ça n’était pas prévu comme ça. Se dire avant,  les faire écrire sur:  changer quoi — et après, soi-même,  écrire sur ce que ça change tout ça . Un coup d’œil critique, en passant. Ahmed, Ibrahim, Moussa, quitter tout, venir ici. Et nous savoir là le mercredi, pour eux, au cas où, pour lire, pour écrire. Une proposition. Et là, au contraire, enfoncée dans le fauteuil de la médiathèque, désœuvrée. Pas indispensable aujourd’hui. Pas venus. Une tentative mais ça ne marche pas à tous les coups. Juste une petite irritation, une petite vexation. Leur absence et toute une après-midi qui se met à dériver. Intermittences des présences.

#20 la scène est muette ( mais vaut son prix)

La vieille dame s’est courbée pour remettre ses achats un par un dans son cabas à roulettes. Son dos rechigne à s’y plier. Puis elle sort sa carte de paiement de la petite pochette glissée au fond de son sac et l’insère dans la machine. Sa main hésite au-dessus de l’écran puis compose un ensemble de chiffres. Refus. Le client derrière elle perçoit son désarroi. La caissière encourage du regard: elle a reconnu cette gentille dame qui vient quotidiennement. Elle jette un coup d’œil de côté à la file qui s’est formée et pourrait s’impatienter. Le deuxième essai est le bon. La vieille dame se redresse, murmure des excuses à celui qui attend derrière elle. Il lui sourit. Le vigile posté à l’entrée a suivi toute la scène. 

#19 transaction

Ce lundi est gris, mouillé, glacé. Le lundi les commerces du quartier sont fermés, même le boulanger. Inutile de sortir. Le lundi l’aide ménagère vient le matin. Elle arrive en avance, on prend un café, c’est le rituel. Elle porte un pull vert, moi aussi. Ah, vous avez un pull vert, dit-elle en mettant un sucre dans son café. On sourit. Il y a des vert ternes mais ceux-là sont des vert lumineux, dis-je. On sourit. On continue à papoter en avalant notre café. LL

#18 recopier, c’est facile

Des bêtes vivent sur nos visages. Comme elles sont minuscules, on ne peut pas les voir. Chaque jour, sur nos visages, il se passe des drames, il se passe des guerres, des catastrophes. Les bêtes se tuent sur nos visages, elles se trahissent, elles se supplient. Des bêtes se réunissent en cercle autour du nez, elles exécutent une autre bête. On ne sait pas ce qui se passe. Les bêtes font des procès sur nos visages, elles se condamnent, elles s’entretuent. Quand elles n’ont plus d’espoir, des bêtes sautent de nos visages, elles se suicident.

Le film Chacun cherche son chat vient de finir. Je suis sur le canapé avec le mien, il est un peu moins de 22h 30 et comme je préfère écrire le soir, je regarde les piles de livres sur la table du salon, dessus et dessous. Je ne vais pas vous donner tous les titres, tant pis. J’ai tendu la main vers la deuxième pile par la droite sur la planche du dessous. C’est La Semaine Perpétuelle de Laura Vasquez. Ça tombe bien, c’est un peu l’impression que me fait l’atelier. Sur la couverture, outre le nom de l’autrice tout en haut, le titre en grosses lettres noires, et tout en bas, logique, en très très petit, éditions du sous sol. En fait sol est sous sous, si vous voyez ce que je veux dire. Entre le titre et le sous sol, il y a des traits comme des coups de pinceau. Ça crée une sorte de mouvement courbe de gauche à droite. J’ai ouvert le livre au hasard et je suis tombée page 234. En haut, dans un petit rond noir, il y a un petit 2 blanc, et le texte commence. En fait le livre ne s’est pas ouvert au hasard page 234. Cet été, à Grignan, après l’avoir acheté, on s’était attablées, une amie et moi, près de la statue de Madame de Sévigné, j’avais justement lu à voix haute ce passage ( et d’autres ensuite) et on avait ri. Il faut dire qu’on sortait du Covid et la phrase: « on ne discute pas avec les germes, on ne sait pas ce qu’ils pensent, » nous avait bien fait rire. Je ne sais pas pour vous? 

#17 avec Guy Ernest

Il y aurait flottant dans l’air des méduses malicieuses, translucides, douces chimères aux visages à peine esquissés qui viendraient danser autour des passants solitaires pour les guider vers des rendez-vous improvisés. Il se murmurerait des rubans de phrases de poètes oubliés. On reconnaîtrait parfois dans ces visiteurs éthérés les fantômes exhalés de nos lectures: la Catherine des Hauts de Hurlevent priant dans un souffle «  let me in », Ligeia, les yürei les jours de pluie. Des phosphorescences miroiteraient au sein des feuillages. On dirait alors que la ville est habitée. Chacun regagnerait son foyer chargé d’illusions hallucinées. (Merci à Étienne Saglio pour son spectacle Les Limbes) LL 

#16 il fait froid, couvrons-nous

Veste molletonnée au col relevé de couleur sable/ bonnet moucheté de couleurs vives sur fond noir en velours chenille / long manteau en fausse fourrure gorge de pigeon frôlant les chevilles / sweat lilas foncé imprimé sur la poitrine Day Work / veste professionnelle bicolore, haut rouge et bas noir sigle DPD/ doudoune rose à gros pois marine taille 3 ans / veste en tweed cannelle et noisette avec patte boutonnée dans le dos / longue écharpe unie saumon enroulée trois fois/ doudoune bleu marine sans manches sur pull bleu marine / lourd blouson de cuir resserré à la taille par une ceinture et laissant dépasser un pull de grosse laine beige clair à col châle / long manteau de laine gris perle à torsades irlandaises avec poche plaquée et qui descend jusqu’au mollet/ blouson de toile grège avec, dépassant de la poche poitrine, un masque AntiCovid bleu ciel/ long manteau noir en laine agrémenté d’une large écharpe panthère / casquette grise toilée/ veste blanche de boulanger / bottines à talons de trois centimètres en cuir camel/ lunettes remontées sur le front / pantalon de toile chocolat avec poches sur chaque jambe/ bonnet en alpaga violine couvrant les oreilles/ blazer croisé à six boutons ouvert sur pull col bateau/ ensemble de survêtement en laine gris argent composé d’un legging resserré par un cordon tressé et d’une veste à capuche relevée sur la tête déjà protégée d’un bonnet bleu marine/ 

#15 cut up moi ça

Il m’a promis, ouais, il m’a promis. Non c’est bon. Et en plus à chaque fois qu’ils ont eu besoin d’elle, ils étaient à Besançon, tu vois. Elle l’a fait mariner. Après tu peux décider ou pas, y a toujours… oui oui oui non non. Ça va le faire. Madame s’il vous plaît. J’ai pas mon porte-monnaie alors. Mais avec un enfant je préfère que ce soit un peu organisé avant. Mon cousin y va tous les ans. Tu peux réserver sur place. Deux tiramisu sans alcool. Ça tombe bien j’ai oublié d’en mettre hier. Les italiens, ils savent doser la truffe, en moyenne c’est 1,5% mais ce fromage là c’est 4,5, c’est beaucoup.Je l’ai reçu, je vais le mettre avec l’autre. Y en a plusieurs qui me plaisent bien. Trois baguettes. Trois? Ben oui deux pour elle et une pour moi. Et pour vous? Trois baguettes s’il vous plaît. Vous me mettrez celui-là. C’est toujours intéressant ces choses-là. Il faudra que tu les rencontres quand tu viendras. C’est des gens merveilleux. Il faudrait garder ça sur des cassettes, ça ferait du bien de les revoir. Ça n’est pas la peine de me rappeler. LL

#14 rien qu’une seconde

Cette fois sa marche le dirige vers l’aval, là où le Rhône semble s’élargir, mais c’est juste l’effet de la digue qui borde le port de l’Epervière où se balancent les voiliers et les yachts qui resteront là tout l’hiver et où circulent les cygnes sédentaires; vers l’aval, dans le sens du courant, pour sentir l’effet puissant de la masse de l’eau qui pousse vers le sud, vers la Camargue, vers l’étendue marécageuse où elle va s’éployer, s’encalminer, devenir saumâtre, la masse d’eau qui roule comme les muscles sous la peau du sportif, qui caresse la quille de la péniche glissant en ronronnant, la proue visant le passage autorisé entre les deux balises dont il ne connaît pas le nom technique mais qui servent de socle au cormoran qui s’éploie lui aussi, immobile, offert aux rayons qui percent la grisaille, et il sent sur ses plumes l’humidité qui s’évapore lentement, et il reste là, hiératique, stylite noir et le marcheur, lui aussi, a arrêté son pas et son regard le projette là-bas sur le tronc qui flotte où il se verrait bien ouvrir les bras, humer l’odeur de vase rongée par les joncs, une odeur composite mais reconnaissable, une odeur qui appartient en propre au Rhône et qu’il ramènera pour quelques minutes sur sa peau. LL

#13 arrêter le monde

Ceux-là attendent, appuyés contre la voiture, aux aguets. Celui-ci le bras tendu vers la fente de l’horodateur ajoute un mot, la tête tournée sur le côté. Passe une femme, la poitrine opulente sous son pull de Noël bariolé, elle claudique, son corps bascule, encore quelques mètres avant les trois marches de l’entrée. On tire un diable chargé de colis derrière le camion France Express qui bloque la sortie. Celle-ci a dans la main une feuille imprimée: on imagine les mots de réclamation qu’elle prépare déjà dans sa tête. L’enfant dans sa poussette brandit les lunettes de soleil trop grandes pour lui. Le feu est encore au rouge. Ces deux-là, toujours près de la voiture se sont redressés : ils l’aperçoivent de loin mais je ne le vois pas. Je tiens la clef de ma voiture, j’ai posté mon courrier. Ça, c’est fait. 

#12 la grisaille, les dessous

Une mine de papier mâché. Des galeries de mine à explorer, où se perdre. À remâcher des bouts de phrases, mâcher les mots comme Valère Novarina, s’en mettre plein les joues pour plus tard. Un jour on s’étrangle et on crache. Ou bien on prend la pose, on imite la démarche, on parodie. Tire ta langue, comme Alechinsky. On s’invente des contraintes, on calligraphie, on accroche des portraits comme des icônes. Et puis on barbouille des pages blanches qui finiront dans la corbeille ou dans la malle aux oubliettes. Parce que, là dehors, on appelle. Parce que quelqu’un sonne.Parce que la mort.On se cache dans l’entresol. Un effluve vous passe sous le nez. On a flairé quelque chose. Ou bien c’est la colère. On n’en sort pas de la vie qui insiste et vous égare. LL 

#11 c’est dimanche

J’ai trouvé la lettre, je l’ai lue puis je l’ai jetée quand on vidait la maison. Une lettre qui racontait un séjour en colo, j’avais huit ans, d’une écriture ronde et fine, un récit joliment tourné et soudain j’ai compris pourquoi Marie-Félicité répétait à l’envi « toi qui écris bien… ». Bien tourné comme un vase grec sous les doigts humides du potier sur lequel se dessinent les scènes à venir. LL 

#10 pendant que…

Pendant que je brave le mistral cinglant apparaît la nostalgie de la candeur | pendant que mon regard accroche la rose fanée c’est comme si je me vengeais de son épine | pendant que les cygnes plongent la queue en l’air dans le port je rêve aux oies sauvages | pendant que je prends mon courrier j’ai une furieuse envie d’écrire une vraie lettre | pendant que j’attends au feu rouge je me demande où je suis vraiment entre stop and go | pendant que je me laisse porter par l’escalator serait-ce la rampe de la fusée vers l’immensité inexplorée | pendant que la pénombre s’installe dans la pièce j’entends la voix de Denis Lavant lire le noir dedans de Thomas Vinau.LL


#9 ne pas s’attarder sur…

Matin. Ne pas s’attarder sur la petite douleur associée à ce dos raide qui rechigne à se redresser. Et surtout ne pas s’attarder sur l’idée que, l’âge venant, bien que ce soit rageant, ça ne va pas s’arranger. Ne pas s’attarder sur les avis démultipliés qui envahissent les médias avant le rendez-vous footballistique qui m’est totalement indifférent. Du coup, ah non, pas ce virus qu’on ne sait même pas comment on l’a attrapé, conséquemment, dès lors, ainsi, et pour rire, subséquemment, se glisser dans l’oreille quelques notes de Philip Glass, peut-être Liquid Days, pourquoi pas. Ne pas s’attarder sur la soirée ratée ni tenter d’en savoir plus sur l’auteur de la pièce. Ne pas s’attarder à lister tous les noms d’écrivains cités par Shumona Sinha, et décider de reporter à demain les tâches notées dans mon agenda. Se contenter d’un I would prefer not to global et définitif pour masquer la certitude mélancolique de l’oubli de nos ailes. LL 

 #8 les noms c’est du propre

Gaston Rey Laurens de la Pra André Pic Philippe Rachet Marc Lainé Nathalie Bonomo Marc Buonomo Fourel Mougel Bonaparte Presumey Championnet Peynet Camille Vernet Jouvet Patti Smith Shumona Sinha Yves Bonnefoy Barthélémy de Laffemas Vincent d’Indy Philippe Fusaro Eschenbaum D De Felicis Dr Laaouaj Nivon Jules Algoud Ijichi Masachi Eve Bensoussan Dr Mias Caseres Jacques Darras Marie Lenient Félix Faure Geneviève Volle Gregory Engel Henri Perdrix  Thomas Vinau Stéphane Langlois Jacques Massin Catherine Bâtot Danielle Sapet André Lhote Marc Lantheaume Eva Jospin Serre Tomayan Danton Latour-Maubourg les Frères Lumière 


#07 chaque visage, un trait

son écharpe imprimée et sur la langue un goût de grenadine | il mâchonne assis au soleil près du palmier le col remonté | une petite bouille derrière la grille madame comment tu t’appelles les mains accrochées aux barreaux comme pour se faufiler et sautiller à ses côtés | le sourire scotché de la coiffeuse qu’on voudrait décoller | LL |

#06 Nul autre que moi,

Personne d’autre que moi n’aurait remarqué la longévité du clivia qui fleurit sur le rebord de la fenêtre car dorénavant moi seule me souviens de lui dans le salon de Marie-Félicité il y a quarante ans. Ses rejetons se reconnaissent à leur éventail plus ou moins ouvert selon le degré d’ensoleillement dont ils profitent. LL

#05 ciel du lundi

ciel ma non troppo. Écharpe échappée des gouttières qui hier débordaient. Pastel qui grumelle. Et puis le puits qui aspire à l’infini jusqu’au noir mangeur d’étoiles. Ce vélum qui nous voile sent-il le poids de la pesanteur qui tient debout nos murs porteurs? LL

#04 phrase de réveil

Euphonia – phoney – funny. Euphonia comme Apronenia qui épilait le mollet de son r/homme d’homme. A vérifier. Ramdam – d’où ça vient, ramdam? Dans mon rêve, papa était hâlé – il revenait – il était allé où ? 8:30. Il fait gris. Un œil de chat. Rester au chaud dans mon corps chaud, sans corset. Corsetée quand mal au dos. C’était corsé. C’était quand? 20+2+5: 27. 27 ans. Il est pourtant temps, ma mère… pourquoi Euphonia? A noter pour François B. Funny girl, honey you’re a funny girl. Phoney you’re a phoney girl. Barbra bla bla bla. LL

03| il aurait fallu

En différé, indifférente et pourtant intriguée. A posteriori. C’était la nuit. Un bruit qui se poursuit. Des cris ou n’était-ce que des éclats de voix, une porte qui claque. Des pas. Le chat aux aguets derrière les volets. Dans l’heure creuse de minuit, dans le creux du lit. On repense aux autres fois: l’ambulance en bas de chez moi, l’incendie chez le voisin, la femme malmenée, deux jeunes filles éméchées, le cri du choucas dans l’orage. Les fois où l’on s’est levé, les fois où l’on n’a pas bougé. Un choix. Secondes suspendues dans l’obscurité. Puis le silence. Ne pas pouvoir deviner sa qualité: habille-t- on le silence de nos craintes? La scène imaginée a percolé dans mon rêve et s’est mêlée au récit de Venise que je venais de lire. La surface moirée des canaux tremble quand apparaît la longue barque noire, les murs des ruelles se resserrent. Le réveil m’a extraite du danger. Le chat est toujours aux aguets, la lune nappe le silence. LL 

#02 si loin, si loin

Ll’odeur. Reconnue là, immédiate, précise. Ça fait tilt. Mes pas arrêtés net. Concentrée. Un appel. Un écho qui se réverbère sur un coin de mémoire. Cette odeur particulière. Dans le fouillis de ce jardin. Je ne sais pas d’où elle émane, quelque part, là, sous mes pieds. Tu sens? Deux énigmes qui coagulent. Quelle plante ici-même, quel appel du passé? Ça fait trop pour mon cerveau. Je suis là et je suis ailleurs. Un ailleurs dont il faut trouver la porte d’accès. Un petit trésor inconnu. Une émanation. Ça ne se décrit pas, une odeur. Ça n’a pas de nom. Ça ne commence ni par a, ni par b, ni par c. Rester plantée là et plonger dedans, l’absorber toute entière, ça finira bien par réveiller quoi? Un lieu, un moment? Logiquement, voyons voir, un jardin, l’automne. Tous les jardins… une forêt? L’odeur me dévore, me retient, m’emprisonne, tu ne bougeras pas avant d’avoir résolu cette énigme. Mais pourquoi? C’est donc vital? Son message urgent, et personne pour m’aider. Quoi dire d’autre que « tu sens? » Sentir quoi? Évidemment les odeurs sont mêlées mais au milieu, il y a cette note, cette note qui vibre juste pour moi, qui doit me relier à un éclat d’être, un reflet de mica dans les strates du temps. Une illumination… Mais oui, bien sûr. LL

#01 l’imprévu

« Faut faire avec! Y a rien à faire d’autre. Eh oui, faut faire avec. » Avec quoi? Ils parlaient de la pluie, la pluie incessante, celle qui mouille et qui fait déserter les terrasses. Ah non! Il y avait quelques tables occupées sous le plastique, au coin de la Grande Rue. Le Bastille restait occupé par des réfractaires, la fraction qui ne se laisse pas faire par la pluie, celle qui mouille, incessante, tout aussi persistante que ces tablées d’amis bavards qui avaient décidé de ne pas se laisser faire par cette pluie imprévue par l’appli météo ce matin. LL





A propos de Liliane Laurent

griffonneuse dans ateliers multiples. Steph, l'éditeur du Hanneton m'a fabriqué deux jolis livrets, les Effilures (les Certains jours que je publie sur FB depuis plus de 10 ans de façon aléatoire) et Rockaway (hommage à Patti Smith) pour la série Poètes & Songs. on me retrouve aussi sur mon profil Lily Briscoe Lighthouse. Existe aussi sur blogspot Les effilures de lil.

58 commentaires à propos de “lily-pad | liliane laurent”

  1. merci suis pas seule à en avoir 4 au lieu de trois… même si je ne pense pas qu’ils soient aussi présents que les vôtres en ces et leurs quelques mots (le beau résultat de la concision)

  2. Je vous découvre ce matin avec la #12 et votre texte poétique me touche comme un écho à mes propres errements. La mort comme aiguillon ?
    J’ai adoré « s’en mettre plein les joues pour plus tard. Un jour on s’étrangle et on crache. »
    Merci Liliane.

  3. Joli. Bien aimé votre ciel, et le mot du réveil, inspirant.
    « le sourire qu’on voudrait décoller », j’ai lu une violence mais vu la tendresse des autres visages, j’ai un doute.
    Adoré « On n’en sort pas de la vie qui insiste et vous égare ».

  4. Très jolie scène touchante pour la 20, souvent rencontrée dans notre quotidien et que vous restituez bien.

  5. Médusée par votre monde flottant de méduses et de fantômes #17 par les phosphorescences qui pourraient aussi se lire sous la peau, une sorte de lecture des organes (résonance pour moi) (merci)

    • J’étais encore imprégnée du spectacle Les Limbes et j’aimais bien imaginer les fantômes de nos lectures. Ça donnerait presque envie de développer un peu plus. Merci en tout cas d’être passée

  6. Liliane je découvre en lisant le carnet du jour : peut-être êtes vous celle qui a quatre ans avez amené mon premier « petit-fils » à reconnaître, sous l’influence du plaisir d’avoir échangé sur des livres, que oui il n’était pas terrain aussi vierge de culture qu’il le voulait par solidarité avec les quatre autres récemment arrivés

  7. je lis dans une réponse à commentaire que vous êtes à Valence (avais reconnu des rues et aurais aimé y passer à propos) (n’y suis pas aujourd’hui) (vérification faite dans les noms propres) (des échos valentinois) se dire que nous sommes tout près à travers les carnets

  8. Cette attente avant l’opéra me parle jusqu’aux « oreilles déjà avides des phrases déjà lues ». Avec ce rythme si étrange précédant le dévoilement, accordé à un présent qui n’a d’existence que par ce qui va suivre. Merci pour ce moment.

    • Pas l’opéra mais le théâtre, mais ceci dit merci pour votre commentaire, je n’étais pas sure d’être «  dans les clous » de la proposition. Mais trop envie de faire ressurgir les impressions d’il y a quelques jours.

  9. (… on fait quoi maintenant qu’on est content ?… ) « on a glissé sur le tapis du temps  » : Merci pour ces pas en pas dû.

  10. Oui, vraiment intrigante cette tentative de suicide à la chaussette, relevée aussi par Christiane Deligny qui semble, elle, avoir lu l’article en entier.

  11. Un peu plus le temps de lire. Merci Liliane pour ces mots parmi d’autres : « Prête pour l’effacement, les oreilles déjà avides des phrases déjà lues, il y a longtemps, avides du souffle de la profération, ardente dans l’attente du transport hors de soi. »

  12. passé pour lire et très beaucoup aimé, vu des reflets dans les boules de billards et des chaussettes dans la bouche pour étouffer ? mais la mine la vie qui insiste et vous égare… heureusement heureusement que ça nous insiste ! et merci !

  13. De ce risque de ne plus avoir envie de revenir, l’appel du vide. Très juste interrogation. Merci.

  14. plonger dans la musique lancinante de Glass quelle aventure intérieure.
    très sensible à ton texte Cécile