Carnet individuel – AuréliA

  

#12

Tendue, petite adrénaline, les reins, le ventre, mais pas un geste, la journée, à traverser avec ce désir, le sourire pour le moment à venir, mais d’abord traversée la vie avec une porosité, une perméabilité comme un handicap, parfois ne plus vouloir être touchée, voilà la grisaille qui arrive, mêlant l’envie, la mise en vie et le caillou, l’inerte au fond de la poche, que l’on sert bien fort dans sa main avant de l’ouvrir et d’écrire quelques mots vagues, mais qui pose un peu, une tonalité de gris. 
  
 

#11 

Lire, écrire, pour tenter de saisir le temps, des notes pour mémoire, adolescence en lévitation, je me sens absente, en ce sens je me souviens : Sa Majesté des Mouches W.Golding, un format poche folio à Bayonne, avec la chaleur de l’été, les pages se décollent, tout le bouquin part en morceaux et je note sur le livre, sur les pages volantes, j’écris pour remettre en ordre le livre et maitriser peut-être mon émotion de lectrice. 
 

#10 

Pendant que je  
te regarde jouer, je te vois 
 
 

#9 

Je ne m’attarde pas: chaussures de l’enfant qui passe, trop grandes et trop usées déjà portées par les pieds des aînées / deux femmes parlent vietnamien, puis s’adressent en français, un monde, parler plusieurs langue, apprendre seul une langue pour survivre / des gars après avoir fait du marteau piqueur toute la matinée mangent un sandwich debout dans la rue / les poubelles débordent et de vieux canapés stagnent depuis longtemps immobiles / la radio informe: de jeunes mineurs sauvés par l’Ocean Viking se sont enfuis du centre V.V. de l’île de Giens pour tenter de retrouver de la famille dans le nord, en Norvège. Quel type de chaussures ont-ils ? 
 
 

#8 

Je passe devant le collège Henri Barbusse, quelques mots dans les tranchées, se croisent avec la place Léo Ferré d’autres émois, puis je tourne Albert Petit, je vais voir sur Wikipédia, on ne va plus voir dans le Robert. J’ai adoré feuilleter le Robert des noms propres. J’entends les jeunes dans la rue « rendez-vous à « La Bram’ » diminutif d’Abraham Lincoln, je l’ai appris bien tard. Les noms propres des cités sont faits pour être rebaptisé. 
 
 

#7 

Visage masqué. 
Une chevelure ondulée, volumineuse entoure ce visage et lui donne sa chaleur.  
Visage / rouge aux lèvres 
Visage / lèvre mordue 
Visage / bouche serrée 
Visage / une dent de côté 
Visage trouble, comme un croquis pas fini, les cheveux échappés, quelques traits en pagaille qui se dressent sur sa tête. 
Un profil : regard vers le bas, cils et sourcils noirs, un maquillage jouant des reliefs grâce à des coloris brun/violet, qui accentuent ses pupilles billes. Grande vivacité dans le regard quand elle se lève. 
 
 

#6 

Personne d’autre que moi n’aurait remarqué cette histoire. 
Tout semblait si petit, incrusté dans la radio, comme éternel. 
Les mots, les actes, les destructions. 
Le temps d’une guerre et tout était oublié. 
 
 

#5 

Ciel brumeux du matin : pas d’ombre, pas de clarté. C’est un voilage, usé comme les rideaux Brise-Bise qui attrapent la poussière et ne laissent plus rien passer que la couleur blanche, grise. 
 
 
Et pourtant avec le temps la brume, bouge, se déplace, elle dessine finalement les reliefs : d’un gris clair à un clair de gris, d’un gris grisaille à un noir léger, d’un blanc entier à un gris sombre. La morsure d’une plaque de zinc. 
 
 
 
 

#4 

Ça clapote, j’ai pas mal 
Pénombre 
  

#3 

Je marche, je marche. 
Je pose mon poids sur la roche blanche, face au vide, grand, puissant. Il aurait suffi que le pierrier glisse sous le pied, petit éboulement, pour que la montagne s’effrite, s’effondre et se sentir glisser dans les entrailles de la terre pour appartenir au mouvement intérieur, de cette planète vacillante. 
 
 
 
 

#2 

Il fait froid sur le quai  
Mais pas aussi froid que … 
Qu’en novembre. 
En novembre ça pique parfois. 
La brume au bout du quai. 
Les rails disparaissent dans la mousse du gris du ciel de la terre qui crache son eau. 
L’eau gelée 
D’un bief 
En Auvergne. 
La petite Sibérie on l’appelle. 
La haute Loire 
Dormir en caravane avec un bonnet.  
J’ai un bonnet d’Equateur  
La Yourte qu’ils m’appellent. 
C’est il y a 20 ans je crois. 
Il y a de l’amour et … du doute, de la peur, de l’inconnu. Dès qu’on s’approche la brume s’envole dans les phares de la voiture. 
 
 
 
 

#1 

C’est ici, un arrêt 
Le carnet 
Au milieu de la course 
Le vélo posé 
House of the rising sun, The Animals dans le café 
En écho un spectacle d’Angelica Lidell sur la tuerie d’Utoya 
Un imprévu, la vie des autres 
 

A propos de Aurélia Labayle

Je suis avec vous dans une expérience toute nouvelle. L'écriture pour moi c'est les autres. C'est un geste peu pratiqué, mais beaucoup observé. Sinon je suis d'avantage du corps et de la voix, même du son par mon parcours d'abord de circassienne puis comédienne et musicienne.

6 commentaires à propos de “Carnet individuel – AuréliA”

  1. « les noms propres des cités sont faits pour être rebaptisés », comme c’est juste, comme c’est beau ! et j’aime la voix douce et basse qui parle dans ce carnet, attentive. merci, Aurélia.