#techniques #01 | De la torréfaction des graines de courge et de l’usure des semelles

Cet après-midi vers dix-huit heures je suis réellement sur un banc dans un parc, dans mon dos les tulipes poussent sans bruit, à l’abri d’une mini-clôture en osier, je profite de la douceur de l’heure, la dix-neuvième, pour roder mon crâne dégarni aux futures ardeurs du soleil, et si à l’occasion je porte une casquette ce n’est pas pour faire artiste, mais pour me protéger des UV et pour préserver mes yeux affaiblis par un début de cataracte d’un excès de lumière, là je l’ôte et je les ferme, aménageant le sur-place, je ne marcherai pas dix-milles pas aujourd’hui, je ne marcherai pas au pas des hygiénistes, le vent est tombé j’ai les idées transparentes, on entend des rythmes de pieds, de roues, d’avirons, de mon côté juste le cardiaque au repos, il y a de plus en plus d’enfants à l’arrière des vélos, bagage vivant dans le dos, derrière le banc un gobelet en carton, une boulette de papier d’aluminium chiffonné, une accumulation de petites notes, des notules, trique nonotte, une femme avec un cocker en laisse, un jogger avec un casque audio, davantage de cyclistes que de piétons, tout le monde ne lève pas les mollets de la même façon, le glacier Gelato Domenico quitte les lieux en musique, ses deux dernières clientes demandant à partager mon banc, et moi acceptant je ne peux pas ne pas entendre leur conversation, essentiellement culinaire, ça parle de pâtes aux pois chiches, à la farine de, aux lentilles corail, à la farine de, ma mère a un appareil pour faire les pâtes, trop bien, la mienne les faisait au rouleau, les coupait en petits carrés, on les mangeait avec du yaourt, de l’ail, de l’huile d’olive, et les graines de courge il faut les torréfier, d’abord les broyer les moudre avec un moulin à café, ou les écraser dans un pilon, ou les passer au mixer électrique, c’est pour vendredi, c’est gras ces graines, les pignons de pin c’est gras aussi, et le grand bâtiment de l’autre côté de l’eau, c’est là où j’ai fait mon baccalauréat en tourisme, il y a actuellement dix promenades organisées dans la ville, reprendre sa marche, apercevoir (j’ai appris avec deux p qu’apercevoir n’en prenait qu’un) un barbu assis en tailleur dans l’herbe tondue, une mangeuse de nouilles avec des baguettes, deux cyclistes germanophones avec des vestes jaune fluo, une africaine au petit trot, un merle et son chant de fin de journée, un homme essoufflé, une femme étend son bras gauche latéralement, ouvre la main, comme pour prendre le soleil autrement, sur la passerelle un homme en photographie un autre, accoudé à la rambarde, pourquoi les gens apprécient-ils d’avoir de l’eau dans le décor, j’ai la vague impression que la sensation précède le sentiment, mes semelles sont usées, je le sens à la plante, j’aime mes pieds.