Des lieux, des gens, des évènements.

Suzanne Versatis a du mal à exister. Elle veut avancer, marcher tout le temps. Heureus avec son mari. Et pourtant elle patauge, elle tourbillonne, comme une abeille contre la vitre. Elle veut sauver le monde. Avec André, ils sauveront un fils de la leucémie , dure bataille, mais elle ne sauvera pas son deuxième fils.
André, un peu évoqué, un homme pragmatique qui tient la route. Il apporte le bonheur. Insidieusement, il prendra sa femme comme elle est, acceptant ses déficiences, mais toujours là pour elle, à sa façon. En 1989, il vient de se mettre à son compte et perd un gros client, tous les deux iront marcher pour « digérer » ce coup dur, il a besoin d’elle et le reconnait volontiers. Il est toujours là quand il faut
Ugo, une rencontre sur le tard, après la mort d’André. Avec lui, un vent de folie dans une vie trop sage. Il a toujours, été à la CGT, ensemble ils écoutent des historiens, des philosophes, suivent toute la campagne des élections présidentielles. Sur une période courte,Ils s’accompagneront. Originaire de Normandie, il arpente le Vercors et les Chambarans. et les lui feront connaître.
Le Cantal, et Aurillac, où ils passeront quatre ans au début de leur mariage, très riches. C’est le début de leur vie ensembles. Ils ont failli y rester. André, commercial, ira dans toutes les villes et connaîtra le Cantal de fond en comble. Elle , pense à une vieille cuisine, dans un appartement au sol en terre battue et des barreaux aux fenêtres. Son bonheur, ils y ont trois enfants.
L’ancienne maison, à l’arrivée à L.R. la maison du bonheur, où ils auront leur cinq enfants heureux du jardin, des couchers de soleil, du plein-pied, des voisins. C’est une location, Ils devront la rendre en 1979.
Son fils, elle dit, André est déjà mort à ce moment là, son fils se suicide, à l’age de 53 ans. Tremblement de terre dans toute la famille. Qu’a-t-elle manqué, omis, elle n’a pas su faire, elle n’a pas su voir ? Qu’a-t-il pensé, vu, lui ? Suzanne veut se taire, ne plus parler, ne plus bouger, faire comme lui, tout se bouscule et pour un long temps…
Le cimetière où on a mis son urne, à coté de son père, un cimetière tranquille, à la campagne, rappel de ce cimetière de Picardie dans un petit village de campagne où sont les beaux-parents de Suzanne, avec un broc d’eau caché dans la haie où ils vont chaque année au mois d’août.
La ville L.R. et son bruit où ils habiteront cinquante ans, de 1964, retour d’Aurillac, à ce jour. Une ville minière, tout à coté de St-E., minière et industrielle. La ville aux sept collines, plus les terrils. Le puit Pigeot se visite maintenant. Elle, elle rêve d’eau, de fleuve, il y en a bien un, tout petit, Le Furan, tout recouvert, peu à peu, on le découvre. Le grand parking évoqué à l’entrée de ville est en fait celui de Grenoble.
Grenoble, c’est Ugo, avec qui elle passera 5 ans. En ville, puis dans un coin de campagne.
L’enfant, qui parle de fin du monde pour St-E. quand « les volcans » ( les collines et les terrils) exploseront, c’est le représentant virtuel de tous ces petits- enfants qu’elle aime tant, qu’elle veut aimer mieux que les siens. Ce qui ne veut rien dire, elle le sait. Elle fera comme elle peut.
Un Oloë réduit à sa plus simple expression, un stylo. Ils viennent d’arriver dans la deuxième maison, par obligation, le propriétaire veut récupérer son bien. Le stylo lui rappelle son enfance à l’école sévère, l’enfance et l’école et toutes les interdictions. Et aussi son passage comme secrétaire, dix ans, de son mari, obligé de se mettre à son compte.
La Picardie, le pays heureux d’André petit, et des enfants.La chaise,c’est la chaleur,le bonheur de la famille du beau-père de Suzanne. Ce beau-père tellement bon, humain, aimé. Quand il mourra, André et Suzanne loueront un gite. C’est dans l’un d’eux que, aux vacances 1976, un de leur deux fils leur dira « Vous êtes cons », le lendemain il fera beau, mais…
Mes 27 septembre une vie vue à travers ou avec tous les évènements du monde. C’est ce que Suzanne préfère, elle a participé, elle a étudié, cherché à comprendre tout au long de sa vie. Elle dit qu’elle est née quatre fois ou plus, même, chaque fois, elle a rebondi.
Elle pense à Ugo, un passage si court dans une vie de 79 ans. Mais Ugo, c’est aussi Grenoble,la montagne, le Vercors, le petit villagede V; les noix, le mondage où on décortique soigneusement les noix pour en avoir les meilleurs cerneaux avec tous les voisins ou amis autour de la table, la cour de la maison, une vaste cours avec trois arbres, un sycomore, un tilleul et un catalpa, un peu de pelouse et des chemins de gravier.
Elle pense à André, solide et pieds sur terre. Il lui a donné l’ouverture au monde. Elle revisite et transforme ces 48 ans passés avec lui, toujours positif, si peu bavard, tranchant parfois, mais toujours présent quand il faut, si calme quand il a fallu mourir. Sans lui mais avec lui, elle continue.
Elle pense à son fils, tout le temps. On ne peut pas cacher la douleur, mais ne pas oublier de vivre et tenir tout cela ensemble. Penser à tout ce qu’il lui a dit de gentil, « Je suis tellement content que tu aies rencontré quelqu’un » (Ugo). « Je peux prendre ta voiture ? « , Il me la ramènera lavée, bichonnée, impeccable. Comment il lui a montré pour passer la tondeuse, patiemment, tellement serein, si peu avant de mourir.
Elle pense à ses quatre enfants, devenus grands, les maris de ses trois filles, la femme de son fils vivant et la femme de son fils mort avec tous les dix petits-enfants, Ils ont tous affronté cette mort et sont debout. Ensemble ils se sont confortés et ils s’aiment.
Suzanne se sent entière comme jamais. Et ce monde à venir si bouleversé et dangereux, elle y sera à plein, tant qu’elle vivra. Celui qui est fêlé laisse passer la lumière, elle laissera passer la lumière.