hors-série #2 | alliage de métaux chrome cobalt recouvert d’un spray titane et hydroxyapatite avec insert en polyéthylène

Cause : usure irréversible du cartilage du genou gauche due à une arthrose post-ménopause importante, augmentée d’une surcharge pondérale.

A noter : Raideurs dans les hanches qui induisent chez la patiente un déhanchement sur le côté droit.

La patiente (infirmière) est debout en permanence, dans des conditions parfois d’extrême fatigue. Elle dit souffrir pendant la marche, dès qu’elle monte ou descend les escaliers, déplace les patient.e.s, pousse les chariots ou chaises roulantes.

Traitement : Nous suggérons la pose d’une prothèse tri-compartimentale du genou gauche sans conservation des ligaments croisés. Fixation sur le genou cimentée, système de stabilisation avec ligaments artificiels. Mobilité du plateau fixe.

La prothèse du genou existe surtout dans nos imaginaires. Car qui peut se vanter d’en avoir jamais vue si ce n’est le/la chirurgien.ne qui la place. On peut se l’imaginer, à l’instar de la prothèse de la hanche, comme une boule insérée entre les différents os de la jambe. Pourtant la réalité est tout autre. La prothèse est formée de trois parties distinctes se présentant sous forme de semelles fines remplaçant les cartilages abîmés. Sur le sommet du tibia, incision du haut de l’os et placement d’un plateau d’une épaisseur d’un millimètre. Plateau à peu près carré et divisé en deux rectangles égaux et reliés entre eux, tous deux munis de bords d’un millimètre environs. Ces plateaux rectangulaires sont fichés dans le tibia à l’aide d’une vis et collés au ciment d’hydroxyapatite, composant de l’os lui permettant de repousser afin d’épouser au mieux la prothèse. Le bas du fémur, sculpté par le ou la chirurgienne, recevra le composant fémoral qui est comme une croûte qui reproduira l’arrondi de l’os. Les deux plateaux rectangulaires formant la prothèse tibiale (celle du dessous) accueilleront la prothèse fémorale qui viendra rouler dessus, permettant le basculement d’avant en arrière du fémur. Reste la troisième partie, la rotule, qui elle aussi sera partiellement sciée pour recevoir, à l’endroit du contact avec les deux os de la jambe, ce que l’on nomme bouton rotulien, qui ressemble à ces capuchons de plastique blanc que l’on place dans les prises électriques afin d’éviter aux enfants d’y fiche les doigts et de s’électrocuter.

Le placement d’une prothèse interne, pratique irréversible peut générer de l’inquiétude voire de l’angoisse chez le/la patient.e. Cette anxiété doit être entendue et apaissée. Les patient.e.s ne doivent pas regarder le placement d’une prothèse comme un envahissement de leur intériorité, comme un grignotage de l’inerte sur le vivant. L’idée d’introduire du métal dans le corps doit être vue de façon positive puisqu’elle sert d’une part à neutraliser la douleur, d’autre part à permettre au/à la patient.e de retrouver de la mobilité. Ces prothèses sont sûres et de longue durée (elles ne commencent à se dégrader qu’au bout de dix à quinze ans, voire vingt). Elles sont faites d’un alliage métallique chrome-cobalt, alliage extrêmement résistant utilisé surtout dans la construction des usines à gaz. Cet alliage ayant le désavantage d’être parfois mal toléré par le corps humain (1% des patients), le/la chirurgien.ne peut lui préférer le titane. Si le titane est mieux accepté par l’ensemble des humains, il a, par contre, le désavantage d’être cancérigène. Le nom, titane, évoque les secteurs aéronotiques et militaires (fusées spatiales, armement). Le titane est un métal que l’on retrouve dans la composition du soleil, de certaines météorites et des étoiles de type M. Si l’idée de renfermer dans leur corps un métal d’origine extraterrestre peut mettre mal à l’aise certains patient.e.s, on constate que d’autres, férus de technologies, adeptes peut-être du transhumanisme accueilleront avec enthousiasme, voire exaltation, l’idée de remplacer peu à peu des tissus nécrosés par des prothèses en métal extraterrestre. Si, comme le prédisent certain.e.s, notre destin, à nous humains, une fois la terre devenue inhabitable, est de traverser des galaxies pour conquérir d’autres parties de l’univers, se munir intérieurement et dès aujourd’hui de prothèses en métal issu des étoiles prend sans doute tout son sens.

A propos de Sybille Cornet

Je n’ai pas de page Facebook ni perso ni privée. Ni d’instagram. Et pas de site non plus autour de mon travail. Je sais que question communication c’est pas top. Je vis mieux dans l’ombre. Mais je travaille à tenter d’en sortir. Je suis autrice et metteuse en scène. Principalement de théâtre jeune public. Le théâtre jeune public est un milieu qui vit un peu en autarcie. On se connait tous et toutes. Et donc la nécessité n’est pas forcément là pour me pousser dans le dos. J’ai une pièce de théâtre publiée Le genévrier chez Lansman. J’ai un texte publié dont je suis contente, une ode aux pieds nus (La matière du monde) édité chez Post industrial animism. J’ai publié des textes poétiques dans un magazine que j’adore et qui s’appelle Soldes almanach, magazine assez branque sur les nouvelles utopies. Il y a une adaptation sonore d'un spectacle performance sur le Syndrôme de Stendhal que j'ai écrit et performé ici : https://www.dicenaire.com/radioautresauborddumonde . Pour le reste, j’ai écrit et mis en scène une bonne dizaine de spectacles, adultes et enfants. Ma compagnie s’appelle Welcome to Earth. J’ai aussi fait un peu de poésie sonore. Pour l’instant je monte un spectacle pour tous petits qui raconte une amitié entre deux arbres, un petit pin nain et un bouleau. Ça s’appellera sans doute Inséparables. J’accompagne une actrice slameuse qui monte un seule en scène autour de sa grand-mère et de l’avortement. Le titre : Bête d’orage. Je fais partie d’une commission qui octroie des aides à la création aux créateurices jeune public et je lis beaucoup de dossiers d’artistes. Aussi étonnant que ça puisse paraître, ça me passionne complètement. Lire des dossiers d’intention de spectacles m’intéresse parfois plus que de voir le spectacle lui-même. J’étudie aussi la dramaturgie (mais ne me demandez par contre pas ce que c’est ok ?). Ah oui, je suis belge et je vis à Bruxelles, ville que j’aime entre toutes.

Un commentaire à propos de “hors-série #2 | alliage de métaux chrome cobalt recouvert d’un spray titane et hydroxyapatite avec insert en polyéthylène”