L #1 — quelqu’un arrive quelque part

Épuisée — Mettre un pas dans un pas — Une chaussure devant l’autre — Épuisée par son trajet — Il fait encore chaud sur la place — Fourbue par ce voyage en train interminable — Des heures sont passées — Elle arrive sur la place — Le soleil rase de très près les montagnes — Endolorie — Douloureusement les derniers rayons — Mettre un pied encore devant l’autre — La ville est bien éloignée maintenant — Son mauvais sommeil — Elle a mal partout — Surtout au dos et aux pieds — Épuisée dans ce nouveau lieu — Ses pas — S’amener sur la place — Le raclement sec de ses chaussures — À la tombée du jour — La terre battue par endroits — Elle débouche sur la place — Une posture de fatigue — Au croisement de la rue — Elle se découvre voyageuse éreintée — Jamais jusqu’à présent elle n’a vraiment quitté la ville — Il faut qu’elle cherche — Le jour se couche — Trouver une chambre — Penser à son corps — Son trajet l’obsède — fait sensation à l’intérieur et à l’extérieur — Encore quelques pas — Arriver — et petit à petit elle ne peut plus renoncer — Progresser toujours douloureusement — pas après pas — Une fontaine sur la place — À peu près au centre — s’y diriger avec effort — Déposer son bagage à ses pieds — Une posture de voyageuse épuisée — Mais oui elle s’abreuve — Son arrivée continue — Elle doit porter ses pas — Ne pas y arriver elle pense — Les sons tournent et s’amenuisent autour de la place —  Les mains sèchent — Des claquements étouffés à son oreille —  des bruits creusés — Rideaux de fer — Arriver à se diriger avec sa trace — Elle respire un peu — Comme dans une immobilité rapide — Sans aucune larme à l’œil — Retenue — Ses pas la traînent — La pancarte de l’hôtel s’incruste dans l’enduit — Elle arrive dans ce dispositif abîmée — Les tables sur l’estrade qui attendent — Faire sa trace lente — Dans un arrachement — Les petits pas se réenchaînent — Se diriger inlassablement  — Être encore une fois la plus forte — Les vitrines s’allument l’une après l’autre — S’arrimer à l’hôtel — Rescousse — Pas un mot — Épuisée — Comme si on avait hurlé dans sa tête — Elle arrive vers l’hôtel — Quelques pas de plus à s’approcher — A-t-elle eu raison de voyager maintenant ?  — Atteindre le perron — Elle veut reprendre pied — À travers la place elle regarde — Allonger les bras vers la porte — Ensuite l’entrée — Le comptoir de teck — Un calme chuinte — Se noyer enfin dedans — Elle prend la clé — Sensation de tenace soulagement — Arriver en haut des marches — Épuisée elle est arrivée quelque part — Gagner le lit — Elle tire le rideau s’allonge et s’endort — Les couloirs murmurent des ondes imperceptibles

A propos de Fil Berger

Fil Berger, je, donc, compose les textes qu’il écrit avec des artefacts sonores et graphiques et ses pièces musicales avec des artefacts d’écriture et graphiques. Le tout cherche, donc, une manière d’alchimie modeste située entre ces disciplines. Il a publié des livres d’artiste avec le plasticien Joël Leick chez Æncrages et Dumerchez. Quelques revues comme Paysages écrits, Traction Brabant ont retenu des textes. Il a travaillé et composé des pièces musicales documentées sur CD. Il a partagé pendant plus de vingt ans des moments de création avec des chorégraphes, des plasticiens, des auteurs, des improvisateurs et des compositeurs. Il a animé des ateliers d’écriture et de partitions graphiques avec des personnes de toutes sortes. Fil Berger, je, donc, est un improvisateur qui compose et performe en forgeant ses propres outils, ses champs lexicaux, ses instruments, sa présence au monde en les mettant sans cesse en variation continue. Son travail est la recherche de convergences multiples entre... l’idée et la pratique du « baroque » et... la pratique et l’idée de l’insurrection « œuvrière » autonome.