#L12 | c’est dans la grange qu’il y a ce qu’il y a, c’est écrit.

C’est dans la grange qu’il y a ce qu’il y a, c’est écrit. C’est. Partout c’est. Cela est. Ici – dans la grange – et maintenant, c’est. C’est deux fois : ici et maintenant dans la grange, c’est ; écrit c’est. C’est écrit. Pourquoi écrire que c’est écrit ? C’est dans la grange qu’il y a ce qu’il y a, ça devrait suffire, c’est déjà écrit, mais la phrase a besoin d’écrire que c’est écrit, alors qu’elle n’écrit rien : il y a quoi ? ce qu’il y a. C’est. Il y a. Verbes rétrécis, répétition acharnée d’une affirmation vide. C’est. Il y a. C’est tout. Il y a quoi ? Il y a ce qu’il y a. Il y a quoi où ? Dans la grange, il y a ce qu’il y a. C’est où qu’il y a ce qu’il y a ? C’est dans la grange qu’il y a ce qu’il y a. Comment le sais-tu ? C’est écrit. C’est dans la grange qu’il y a ce qu’il y a, c’est écrit. C’est tout. C’est simple. C’est vide. C’est. Il y a. Les gommer, les souligner en rouge, trop de c’est, trop d’il y a, ce n’est pas comme cela qu’on écrit. Pourtant, c’est écrit. C’est écrit comme ça : c’est dans la grange qu’il y a ce qu’il y a, c’est écrit. Un autre livre avec des c’est et avec des il y a, un livre dont le titre est Écrire : « Vauville. C’est là. C’est le mot sur le panonceau. » C’est écrit (les doigts avaient écrit c’écrit, il y a tant à écrire sur ce qui s’écrit malgré ce qui voudrait s’écrire). C’est là. Où ? C’est dans la grange. Quoi ? Qu’il y a ce qu’il y a. Ce, c’est quoi ? Ce, c’est ce qu’il y a. C’est tout ? C’est écrit. C’est écrit où ? C’est là, c’est écrit là, c’est dans cette phrase-là que c’est écrit, mais c’est pour que d’autres phrases s’écrivent que cette phrase-là s’est écrite, c’est pour cela que cette phrase n’écrit à proprement parler – écrire, c’est refuser de parler proprement – rien. C’est pour laisser à d’autres phrases, c’est pour laisser à tout un livre, le soin d’écrire ce que c’est que ce il y a qu’il y a là, dans la grange, et si c’est écrit, c’est pour que s’écrive ensuite ce qui s’écrira. C’est dans la grange qu’il y a ce qu’il y a, c’est écrit. C’est dans ce livre que c’est écrit. C’est ce livre qui s’écrit. C’écrit la grange qu’il y a et ce qu’il y a dans la grange qu’il y a. C’est dans la grange qu’il y a ce qu’il y a, c’est écrit. Phrase rassurante : c’est déjà écrit. C’est là. C’est le mot sur le panonceau. C’est écrit. C’est. Il y a. Le livre est. Ce, c’est le livre. Il y a, c’est le livre. La grange, c’est le livre. Le livre, c’est la grange. C’est dans le livre qu’il y a ce qu’il y a, c’est écrit.

A propos de Vincent Francey

Enseignant, chanteur et clarinettiste amateur, je vis dans la région de Fribourg, en Suisse, et suis passionné de lecture et d'écriture depuis toujours, notamment via mon site a href="https://www.lie-tes-ratures.com/">lie tes ratures mais aussi sur un blog né à la suite de l'atelier d'été sur la ville : fribourgs.com. Auteur d'un livre autoédité, Je de mots, dictionnaire intime, je suis également présent sur YouTube pour, entre autres expérimentations, y parler de mes lectures.

4 commentaires à propos de “#L12 | c’est dans la grange qu’il y a ce qu’il y a, c’est écrit.”

  1. vertige, ritournelle, chanson, chanson, vertige, ritournelle. J’avais mis la L12 de côté, grâce à ce texte je re-hésite. Merci

  2. Pour ma part, cette phrase me fait penser à une phrase d’enfant, et à des histoires de vieux grimoires. C’est dans la grange qu’il y a ce qu’il y a, on ne le nomme pas, c’est sacré, c’est mystérieux, c’est le monstre dont on doit taire le nom, ou l’épopée à venir… C’est écrit, c’est le temps du mythe, c’est déjà écrit, c’est déjà vécu, et on ne fera que le revivre à l’infini. Attention départ.

    • Merci pour cette interprétation très riche de ma phrase. Il se trouve que l’enfant est un personnage essentiel du livre en cours d’écriture et qu’en effet il y a quelque chose comme une quête ou comme une épopée dans ce que j’essaie d’écrire.