#L12 | cette ville est la sienne

A la différence des autres chambres d’hôtel, dans celle-ci elle se sent en quelque sorte chez elle puisque cette ville est la sienne. C’est la première fois qu’elle prend une chambre d’hôtel dans sa ville. Pourquoi utiliser un pronom possessif pour parler de la ville où l’on habite, de la ville où l’on est né ? On peut tout au plus être propriétaire de quelques ares de terrain ou d’une surface dans un immeuble, voire dans plusieurs, mais certainement pas d’une ville entière comme cela a pu se faire en des temps reculés ou dans des contrées qui ne fonctionnent pas de la même manière. Cela ne justifie donc en aucun cas de qualifier une ville de sienne. Le premier citoyen d’une ville (ou d’un village), le bourgmestre en Belgique, pourrait peut-être se sentir plus légitime à dire qu’une ville est la sienne. On l’entendra dire : « dans ma ville de xxx »  même s’il n’en est pas plus propriétaire que ne le sont ses concitoyens. C’est sa qualité de chef élu du pouvoir exécutif de la ville qui l’incitera à user du pronom possessif. Qu’est-ce qui peut dès lors amener le citadin lambda à dire, comme elle, que cette ville est la sienne ? Un sentiment d’appartenance, cela ne fait aucun doute. Oui, mais alors, cela signifie que l’on appartient à cette ville et non le contraire. Comme lorsqu’on dit « j’appartiens » à telle communauté, ou telle famille, on dira aussi « c’est ma communauté » ou « c’est ma famille ». Quoi qu’il en soit, l’utilisation de verbe « appartenir » dans le cas d’une ville n’est pas approprié. On n’appartient pas plus à une ville qu’elle-même ne nous appartient. La formulation cette ville est la sienne, ou la mienne, que l’on utilise à la troisième ou la première personne, a des relents de nationalisme, de patriotisme, existe-t-il un terme similaire par rapport à une ville ? Une sorte de cocorico citadin ? Selon quel critère dira-t-on qu’une ville est la sienne ? Le fait d’y habiter peut être un critère mais il n’est pas déterminant. On peut en effet habiter une ville et dire qu’une autre est la sienne. Etre né dans une ville peut également être un critère, un critère de plus de poids que le premier, mais il ne suffit pas à lui seul, car on peut être né dans une ville et immédiatement après où dans les années qui suivent déménager dans une autre ville laquelle devient par conséquent la ville d’adoption et c’est celle-là que l’on pourra désormais qualifier de sienne. Toutefois, on le pourra seulement dans la mesure où le séjour aura une longueur suffisante pour permettre le développement de ce sentiment d’appartenance et où les racines familiales dans la ville (ou le village) de naissance sont peu développées voire inexistantes. Le fait d’avoir des racines familiales bien ancrées dans une ville (ou un village), à quoi peut s’ajouter un vécu émotionnel important, semble être un critère plus déterminant qui permette à quelqu’un de dire qu’une ville est la sienne. En ce qui la concerne, elle peut affirmer que cette ville est la sienne parce qu’elle y est née, que ses racines familiales côté paternel y sont bien ancrées et qu’elle y a toujours habité.  A la différence des autres chambres d’hôtel, dans celle-ci elle se sent en quelque sorte chez elle puisque cette ville est la sienne. Puisque cette ville est la sienne établit que l’affirmation qui précède, à savoir elle se sent en quelque sorte chez elle en découle, que son sentiment d’appartenance à la ville impliquerait qu’elle se sente chez elle dans cette chambre, conclusion totalement subjective qui n’est le reflet que de celle qui y loge. « En quelque sorte » souligne cependant que le sentiment de se sentir chez soi dans cette chambre ne soit pas aussi réel que celui, véritable, que l’on peut éprouver dans son lieu de vie habituel. En remontant la phrase à rebours, on comprend que c’est la première fois qu’elle prend une chambre d’hôtel dans sa ville, ce qui n’est pas totalement étrange étant donné que l’on prenne rarement une chambre d’hôtel dans la ville où l’on habite. Deux possibilités semblent se profiler : soit pour un logement temporaire entre deux locations d’appartement ou de maison ou entre l’achat et la vente d’une maison ou d’un appartement, soit pour des rencontres qui ne peuvent se faire au domicile d’une personne pour des raisons de discrétion, comme tel peut être le cas du couple qui passe la nuit dans la chambre du dessous pour autant qu’un des deux protagonistes au moins habite la ville. Ce n’est pas le sien.

A propos de Catherine K.

Mon nom complet est Catherine Koeckx (prononcer Kouks). Citadine depuis toujours mais avide de nature et de grands espaces que je partage par la photo ou l’aquarelle (www.catherinekoeckx.be), je suis aussi passionnée par la ville (@bruxelles_autrement). Bruxelles mais pas que... J’ai publié Le Guide lovecraftien de Providence en 2021 (disponible sur Amazon.fr ou sur commande privée). Je viens de lancer mon blog littéraire Itinéraires pluriels (https://itinerairespluriels.wordpress.com).