#L2 / Ce à quoi l’écran fait écran

Dans une construction cubique de l’Ouest américain, des dizaines de machines clignotent de l’intérieur, des enrobages de toutes les couleurs recouvrent des milliards et des milliards de kilomètres de fils de cuivre, et dans le ciel les autoroutes scintillent plus que les étoiles.

Un satellite passe.

Des tonnes de métaux lourds se déversent dans les rivières. Des terres rares traversent des mers lointaines.

Du végétal fossilisé, du minérai demi-vivant, du liquide en cataracte, du gaz en tuyaux, sont mobilisés pour maintenir en flux un monde où la nuit n’existe plus.

Des milliers des milliards de câbles sous-marins côtoient les squelettes dissous des noyés de l’Atlantique, marins perdus en mer et jeunes filles arrachées à l’Afrique.

Des images voyagent, des images naviguent, des images planent, des images sont captées, des écrans sont capturés, des instants sont chopés, des chopes s’entrechoquent quelque part en Allemagne.

Dans la pièce d’à côté, par la fenêtre ouverte, le vent feuillette le premier tome d’un ouvrage de Germaine de Staël posé sur un meuble en bois. Avant d’être livre, avant d’être bureau, ils furent hêtre ou noyer.

Derrière le carré de plastique blanc, un peu mat un peu luisant, où s’enfiche la prise électrique, toute une ingéniérie s’applique à faire fonctionner les appareils de la maison. Les yeux fixent l’écran derrière lequel se tissent les imaginaires.

C’est une prise sur le monde, une fenêtre universelle, la blogosphère effervescente, un écran lumineux, des zones vertes et bleues, des zones grises zébrées de routes jaunes.

Codicille : Pour faire matière (pas forcément roman), et avant de chercher les syntagmes à expanser sur le modèle de Claude Simon (#L5), j’ai voulu revenir au tout premier texte écrit pour #L1 (Ubiquité) et y chercher ce qui était caché au narrateur. J’ai exploré plusieurs voies, bifurqué plusieurs fois, mais les voix des propositions successives me ramènent à celle-ci.

A propos de Laure Humbel

Dans l’écriture, je tente de creuser les questions du rapport sensible au temps et du lien entre l’histoire collective et l’histoire personnelle. Un élan nouveau m'a été donné par ma participation aux ateliers du Tiers-Livre depuis l’été 2021. J'ai publié «Fadia Nicé ou l'histoire inventée d'une vraie histoire romaine», éd. Sansouire, 2016, illustrations de Jean Cubaud, puis «Une piétonne à Marseille», éd. David Gaussen, avril 2023. Un album pour tout-petits, «Ton Nombril», est paru en octobre 2023 (Toutàlheure, illustrations de Luce Fusciardi). Le second volet de ce diptyque sur le thème de l'origine, prévu au printemps 2024, s'intitulera «BigBang». Actuellement, je travaille à un texte qui s'alimente de la matière des derniers cycles d'ateliers.

Un commentaire à propos de “#L2 / Ce à quoi l’écran fait écran”

  1. Rétroliens : #L7/ Ceci n’est pas un roman d’aventure – Tiers Livre, explorations écriture