La fabrique: Petit fondamental à lire et relire avant de danser à voix haute

L’esprit du texte, c’est le souffle donné par toi, lecteur : l’action de ton haleine qui soulève les mots, trouve le mouvement, l’émotion, rassemble les pages, les nage, redonne vie aux lettres mortes et fait du livre un seul corps dansant. L’esprit du texte, son souffle, est une réalité matérielle invisible et très concrète. (….)

« L’esprit respire. » Voilà ce que notre pensée, notre langue, oublie toujours. (…)

Un livre n’est pas un échange de signaux entre bêtes d’une même espèce qui se flairent et se repèrent entre elles, mais un voyage hors d’homme : il apparaît de l’homme en parlant ; le langage est anthropogène. La lecture est résurrectionelle. Lire ressuscite et fait que se lève en nous (que naît) un troisième – ni toi ni moi -, un autre animal en langue humaine. Cette scène ne se joue pas au grand jour mais dans notre théâtre le plus obscur : le langage. C’est la vraie matière dont nous sommes faits et avec laquelle nous nous débattons. La lecture est un combat, une danse qui s’offre, une scène de portement et de partage. La lecture, comme l’amour, n’est pas un échange à deux, un commerce des sens, une circulation de mots, mais une danse qui mime et parfois fait apparaître en vrai un troisième corps : une personne autre ; il n’est ni à toi ni à moi et il a sa vie propre – et son mystère comme toute personne. Le livre est une tierce personne qui respire par toi et moi. C’est un animal qui a sa vie a lui.

Extraits de Lumières du corps, de Valère Novarina.


A propos de Mireille Piris

Toujours un lien avec l’écriture dans ma vie de comédienne, chanteuse, animatrice culturelle, psychodramatiste, formatrice conseil. L’art reste le fil conducteur dans la vie d’après qui alterne écriture peinture photographie. Comme dans un recueil de nouvelles, Une étrange modernité, paru chez N & B, où il se mêle au destin de quelques cabossés de la vie. (Auparavant chez le même éditeur, Boulevard des orangers, évocation de l’Algérie dans l’enfance et l’adolescence) Particulièrement sensible au dernier atelier Prendre. Toujours en chantier parallèle des nouvelles et un roman… Peur de la dispersion mais curieuse…

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