#P7 Chosifier

Choses en liste
– un bureau à environ deux bons mètres de la porte-fenêtre
– une porte-fenêtre ouverte ou fermée
– des pommettes rouges octogonales
– un balcon de ville avec balustrade en fonte et volutes arrondies aux motifs floraux
– trois gros pots dont un renversé cul en l’air et un autre plus petit dessus
– Plantes fleuries blanches et autres plantes fleuries rose saumon
– feuillage pris dans balustrade
– platanes feuillus avec ou sans oiseaux
– immeubles à un, à deux ou trois étages
– antennes ou/et verrière sur toits
– soleil ou pluie rare mais tombant à verse
– rues et signalisation routière
– voitures et autres véhicules
– passants et passage piétons
– ciel avec ou sans nuages

Choses renversantes
Le soleil laperait les tommettes. Feu devant la fenêtre ouverte. Ces taches de lumière venues du haut dehors, miroiteraient au sol avant illico de se projeter sur les vitres. A la renverse Sur le balcon de ville, rouges encore car en terre cuite, des pots de fleurs redoubleraient de présence sous la chaleur. Trois gros pots dont l’un serait renversé, cul en l’air, supporterait un autre récipient beaucoup plus petit. Celui-ci contiendrait des petites fleurs toutes roses avec feuilles dentelées bronze profond. Les deux autres mastodontes abriteraient une même plante à fleurs blanches et feuillage vert pris, en partie, dans la balustrade. Les tiges ainsi emprisonnées se tordraient en tous sens à travers les volutes puis redescendraient en cascade vers l’étage du dessous. L’arrosoir en fer blanc serait à sec depuis longtemps.
La chaleur en suspension deviendrait lourde. L’air serait frappé d’apoplexie. Au delà du balcon, le regard ne s’aventurerait guère

Choses bruyantes
Au delà du balcon, fut installée une place d’où partirent, en étoile, huit rues munies chacune d’un feu de circulation tricolore.
Ainsi donc les moteurs de tout type de véhicules ponctuèrent le temps au son de maints stratagèmes : démarrage en flèche, freinage en urgence, radios hurlantes. Mais tout ceci, ne fut rien comparé au cri ténu des cigales. Tintamarre en continu jusque tard dans la nuit.
Vers 13 heures, une dame connue du quartier, installa un petit fauteuil de toile juste au pied d’un des feux et harangua chaque voiture ou piéton d’une voix ferme « une pièce, s’il vous plaît ». Comme chaque soir, elle rentra chez elle vers 18 heures laissant la place au chanteur monocorde du « que je t’aime que je t’aime ah que je t’aime ».
Vers minuit et un peu plus, la place se vida de son vacarme et les plantes, assommées de chaleur et de bruit, respirèrent.

Choses en dur

Il pleuvra dans la nuit et ça pourra continuer toute la journée. La porte fenêtre à deux battants sera fermée et la vue sera prise en un diptyque. La balustrade et le feuillage mouillés s’habilleront de gouttes bien rondelettes et translucides. Lumières fragiles bien que semblant solides comme du verre, serrées les unes contre les autres. Le ciel restera gris uniforme et déposé sur les toits des immeubles d’en face.
Côté jardin, il pourra y avoir un immeuble à un étage sans aucun intérêt avec sur son toit, un pigeon ignorant et figé sous la pluie. Devant ce bâtiment, un gros platane dont le tronc sera invisible du balcon mais pas son feuillage vert sombre où aucun frémissement ne le rendra vivant.
Côté cour, la façade d’un autre immeuble, celui-là à trois étages. Façade en pierre de Castries et balustrades de belle facture en volutes bleu canard. Une antenne à plusieurs branches sur le toit servira de perchoir à un autre oiseau, pigeon de préférence. Mais un goéland aussi fera l’affaire.
Enfin, la rue entre les deux immeubles mènera vers la mer. Son asphalte détrempée versera du côté de la teinte anthracite.
En l’absence du moindre vent, la scène totalement immobile fera croire à un décor de théâtre.

Choses en nuit assombries
Des masses aux contours informes délimitent le balcon. Le ciel est d’autant plus noir qu’une loupiotte déverse un halo de lumière dans les branches du platane. Cette poche lumineuse gomme toute possibilité de voir autre chose alentour que des masses sombres.
Les feux arrière des rares voitures semblent avancer seuls dans la nuit et aux fenêtres, les volets sont fermés. Les gens sont rentrés chez eux depuis longtemps sans doute. Derrière l’une d’entre elles, une silhouette s’agite derrière un rideau comme trace d’une effervescence passée.
Le moulin à vent multicolore de l’enfant, ficelé sur une rambarde, tourne mollement sous la pression incertaine de l’air et l’absence de la lune et des étoiles ce soir, nous prive d’une belle enluminure.
Une certaine douceur se dégage. Finalement, rien de fâcheux n’est arrivé.
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Codicille : Rien n'est venu. Rien de rien. J'ai donc fait une liste, histoire de répertorier et de m'y mettre. Rien donné de plus. J'ai donc donné un titre à la liste puis ai trouvé 4 autres titres, histoire de me dire qu'il fallait les remplir. Finalement, des phrases sont arrivées mais si peu d'intêret ! J'ai pensé à Sei Shonagon et à ses choses si sensibles (Notes...), puis nouveau délire, j'ai pensé à Queneau (Exercices...)puis j'ai pensé au passé simple cher à l'un de nous (merci) et ai décidé de mettre les verbes de ch. texte à un temps particulier pour créer une ambiance particulière... Pas vraiment satisfaite mais moins moche qu'avant...

A propos de Louise George

Diverses professions et celles liées au "livre" comme constantes.

4 commentaires à propos de “#P7 Chosifier”

  1. J’aime beaucoup la façon dont vous vous emparez de cette proposition depuis le « rien n’est venu » jusqu’à ce texte très inspirant pour moi. Merci pour ce codicille éclairant.

  2. Les temps différents m’ont troublée au début, puis j’ai apprécié ce voyage à partir de ce balcon chargé de pots de fleurs. Tout comme les intertitres.