#photofictions #04 | les couples

On le voit de dessus, occiput carré, cheveux gris sur tête grosse plus encore que de face dans la plongée, le pas alerte, jambe droite lancée en avant avec détermination, bras balancés en rythme, jambe gauche coupée par le rebord du balcon, la voûte des épaules arrondit la veste, comme une cage incrustée dans son dos.

…RV directeur financier 8H30… ce fichu bilan doit enfin faire bonne figure, conseil d’administration dans trois jours, rédiger allocution départ Grangier, recevoir syndicats, et coincer DRH , doit trouver moyen de me tirer cette épingle du pied. Pourquoi j’ai engagé cette gourde ? Va coûter 18 mois et accompagnement reconversion. Appeler coach, me doit bien ça…

Finesse des traits, œil clair, boucles blondes dévalant les tempes étroites, sourire en biais, menton porté un peu haut sur chemise Prince de Hombourg, jean collé aux jambes longues jusqu’aux santiags qui poinçonnent le macadam aussi bien que des talons de femme. 

… cet acharnement à me prendre en photo… je lui plais ? Je lui plais, elle me plaît, on se plaît, trouver moyen de se débarrasser des autres, d’un tête à tête, d’un bouche-à-bouche, d’un corps à corps… qu’on en finisse… Cette fille est trouble, pas moyen de savoir…

Une large bande striée multicolore balaie la photo, on distingue un ovale rond posé sagement sur un col claudine bien fermé, les narines vont par quatre comme les yeux qui dérivent dans la chevelure noire. 

Oui, oui je souris… Il me barbe avec sa manie photographique, quand je pense au prix qu’a coûté ce Nikon et sa panoplie d’objectifs inutiles, il traîne sa caisse comme un prisonnier son boulet. Et tout cet appareillage pour faire des photos floues…

A propos de Catherine Plée

Je sais pas qui suis-je ? Quelqu'un quelque part, je crois, qui veut écrire depuis bien longtemps, écrit régulièrement depuis dix ans, beaucoup plus sérieusement depuis trois ans avec la découverte de Tierslivre et est bien contente de retrouver la bande des dingues du clavier...

9 commentaires à propos de “#photofictions #04 | les couples”

  1. Toujours amusante ou désolante l’expression /prendre être pris ou prise en photo/ surtout avec de grosses machines, des téléobjectifs et je ne sais quoi. Et cette fébrilité… très bien décrite dans ce texte comme l’agacement, la lassitude qui en résulte. En plus c’est drôle à priori. D’autant plus prégnant le malaise. Une drôlerie à la Fellini.

  2. Merci de votre passage Patrick. Vous voyez plus de choses que moi dans cette bricole écrite à l’arrache

  3. Bonjour Catherine
    Carnet de croquis où pointe la fébrilité.
    Des personnages se dessinent avec humour. Merci.

  4. la bande striée et les narines vont par quatre ( un Bacon ) effet de flou?
    la cage incrustée dans le dos
    Santiag qui poinçonnent et Prince de Hombourg
    ça grinche dans leur têtes et ça joue très bien avec les images

  5. Flashs percutants, vifs, comme des croquis
    on pourrait continuer la liste
    merci Catherine