#L4 | Territoires

Quelques textes permettant l’accès à des territoires géographiques ou intimes difficiles à atteindre / Vies parallèles se déroulant dans le proche ou le lointain et renseignant sur ce qui est vécu ici.

Shulamith Firestone internée dans un hôpital psychiatrique de New York, arpentant les couloirs, restant assise dans la salle de télévision, écoutant, écoutant, écoutant sans cesse, recevant les histoires des autres patients et les consignant dans trente et quelques textes de quelques lignes ou de quelques pages – vies éclatées de Barbara, de Debra, de Holly, de Corinne – vie déplacée de Martha, Ukrainienne transplantée au fin fond du Canada, tâchant de recréer le pays perdu dans son jardin fleuri – vies remodelées par la maladie à Paris, 1985, 1986, chaque mois dans l’Autre Journal et dans Libération, Michel Cressole tentant de dire au monde qui l’ignore ce que les corps en sursis ont à raconter de l’époque – vie se découvrant et s’inventant chaque jour dans un Journal épais comme un pavé, de l’adolescence à l’âge adulte, prose et poésie mêlées (Amérique – 1950-1962) – voix liant le terre au ciel, récits du maître puis de ses disciples, de shtetl en shtetl, en Pologne, en Russie – vie d’un adolescent brisé par les traitements psychiatriques s’échappant de la ville pour survivre en forêt – et ce territoire sans mots qu’étend Burial disque après disque, chaque composition agrandissant de quelques kilomètres carrés son Londres humide, triste et nocturne – et le Yorkshire de 1977 hanté par le corps de Clare Strachan et la vie sans vie de Jack Whitehead – enfin cette East Anglia traversée à pied jusqu’à Southwold et sa Sailor’s Reading Room où l’on aimerait s’asseoir chaque après-midi, lire et noter des choses tandis qu’au dehors la tempête se déchaîne.

Shulamith Firestone « Airless Spaces » / « Zones mortes »

Gabrielle Roy « Un jardin au bout du monde »

Michel Cressole « Une folle à sa fenêtre »

Sylvia Plath « The Unabridged Journals » / « Journaux 1950-1962 »

Martin Buber « Les récits hassidiques »

Tony Duvert « Récidive »

Burial « Fostercare »

David Peace « Ninteteen Seventy-Seven »

W.G. Sebald « Les anneaux de Saturne »

A propos de Xavier Georgin

Xavier GEORGIN est auteur, animateur d'ateliers d'écriture et membre du collectif La Ville au Loin (https://la-ville-au-loin.fr/). Il écrit des textes où se rencontrent histoires familiales et traces dans l’espace urbain puis les met en son et en images sur son site internet www.xaviergeorgin.fr

13 commentaires à propos de “#L4 | Territoires”

  1. Que de choses à découvrir ! Merci de ce partage où tant d’univers résonnnent. Particulièrement intéressée par Shulamith Firestone dont la vie ressemble un peu à celle de Robert Walser que j’apprécie beaucoup.

  2. je te suis à fond sur Burial, en ce qui me concerne, l’impression de sortie en sortie de devoir traverser un territoire nuageux, une banlieue qui s’étend à mesure de ma progression, avant d’atteindre enfin la rave : je l’entends, mais où est-elle ? On s’en approche, on ne la touche pas. De sortie en sortie aussi ces voix ou ces vocalises, ces divas quelconques, un peu toujours la même, un peu jamais : on navigue, à la fois, en familiarité et spectralité. Je m’interroge sur ce penchant (je me trompe si je le dis propre à notre génération : née, en gros, dans les années 70 ?) pour le fantôme : être un fantôme (disparaître ici, how to disappear completely)…
    (je te suis par ailleurs aussi sur le dernier Lana Del Rey 😉)

    • Merci, Christophe ! Oui : l’importance des fantômes, des échos, et la place de l’insaisissable (« I’m not here / This isn’t happening »). Burial est un des rares musiciens dont j’achète chaque disque les yeux fermés (et si je les étends par terre, chaque pochette en forme de carré représente une case noire d’un plan sans repère).

  3. Eh Bro’, c’est la ruine ta sentimenthèque : je vais au moins en commander la moitié. Ça nous fera de quoi causer au Roi du Café.
    J’ai pensé à deux ouvrages qui pourraient t’intéresser : L’Aujourd’hui Blessé / recueil rassemble des textes écrits dans le secret, au péril de leur vie, par ces quatorze femmes victimes de la politique de terreur que Staline imposa jusqu’à sa mort aux « sujets » de son empire. D’une improbable vitalité. Et L’Autoportrait les Yeux crevés de Normand Lalonde : « Commence par te demander sérieusement ce que tu ferais
    si tu étais à ta place. ».