TEST #5 POTERNE Fil Berger

au tout début                dans le temps                des années quatre-vingts                ils avaient une 404 bronze              avec un capot bleu ciel                   ils la retapaient                                au besoin                sur un des terrains vagues                du bas Belleville                le grand jeu : récupérer les enjoliveurs de phares                 régulièrement subtilisés                sur d’autres voitures                pareil pour les pneus                en cas de crevaison                il suffisait de trouver deux parpaings                sur un quelconque chantier                 pour, à plusieurs, caler une 404                au coin d’une rue                 et piquer la roue                en la déboulonnant               le plus naturellement du monde                comme ça                ils pouvaient décider                de partir à la mer                au beau milieu de la nuit                si le cœur leur en disait                mais la plupart du temps                ils se contentaient de dériver              à pied                  de squat en HLM                ou alors ils dévalaient                le toboggan de la rue Piat                qui les faisait comme plonger                dans tout Paris                il était projectionniste                 au plus vieux ciné de la ville                elle jouait de la musique                baroque                dans le métro                ils faisaient partie                d’une bande de camarades                pro-situs                en train de se prendre                le mur de la pacification sociale                en pleine gueule                ils le savaient                trop confusément  pour arrêter de vivre vite             dans le temps                des années quatre-vingts                commençant               

A propos de Fil Berger

Fil Berger, je, donc, compose les textes qu’il écrit avec des artefacts sonores et graphiques et ses pièces musicales avec des artefacts d’écriture et graphiques. Le tout cherche, donc, une manière d’alchimie modeste située entre ces disciplines. Il a publié des livres d’artiste avec le plasticien Joël Leick chez Æncrages et Dumerchez. Quelques revues comme Paysages écrits, Traction Brabant ont retenu des textes. Il a travaillé et composé des pièces musicales documentées sur CD. Il a partagé pendant plus de vingt ans des moments de création avec des chorégraphes, des plasticiens, des auteurs, des improvisateurs et des compositeurs. Il a animé des ateliers d’écriture et de partitions graphiques avec des personnes de toutes sortes. Fil Berger, je, donc, est un improvisateur qui compose et performe en forgeant ses propres outils, ses champs lexicaux, ses instruments, sa présence au monde en les mettant sans cesse en variation continue. Son travail est la recherche de convergences multiples entre... l’idée et la pratique du « baroque » et... la pratique et l’idée de l’insurrection « œuvrière » autonome.

22 commentaires à propos de “TEST #5 POTERNE Fil Berger”

  1. Promesses trahies du début des années quatre-vingts, « le mur de la pacification sociale… en pleine gueule »! Malheureusement… et on s’étonne? J’aime beaucoup le rythme, la mélodie, la part de rêve, le côté « malgré tout »…

  2. Merci, Françoise ! Je suis content de vous avoir touchée avec un vieux souvenir…

  3. Toute une époque… et comme ça parait loin aujourd’hui, il en faut des blancs pour faire remonter tout ça …

    • Finalement l’écriture de ces classes sociales, avec la mer, la 404 déglinguée, les jobs d’artistes, serait encore encore à écrire, à actualiser (avec vos mots), pour explorer toujours le fond, la violence sociale et quand même ce qui fait joie de vivre. Vous le saisissez « juste » « exact », c’est très visuel, et on sent la vie pulser. Merci!

      • Merci beaucoup pour vos mots justes ! L’autonomie pourrait être œuvrière, aujourd’hui.

  4. Déboulonner-reboulonner un monde en vrac. Merci pour ces images. J’ai un faible particulier pour le toboggan.

  5. Merci, Déneb, pour votre commentaire. En effet, le titre est passé à la trappe. Je n’y ai pas pensé !
    « Vivre vite », peut-être, pour rappeler un super film de Carlos Saura ?

  6. Oui, c’est bien. Ou utiliser ce « A la trappe », justement, pour ces héros qui ne se laissent pas user ?

  7. j’en ai vu des 404 sur parpaings mais jamais m’ont entraînées aussi vite et loin que la vôtre. D’ailleurs ça m’a fait revenir (sais pas pourquoi) un épisode d’auto-stop entre Aix et Lyon où me suis retrouvé dans une (sais plus) avec des farfelus qui balançaient des bouteilles de bière vides et ont fait le plein de nuit gratos dans une station (total ?) nimbée d’orange.. Ça luttait dur contre la pacification sociale !

  8. vient de relire dans mon commentaire « le plein de nuit », c’est involontaire et ça dit encore d’autres choses. Vous avez définitivement le truc pour me faire embrayer !

  9. Merci pour votre lecture enthousiaste !
    « le plein de nuit gratos » participait à notre culture du négatif…

  10. je ne sais plus quel film – c’est dommage – un policier sûrement puisque (il me semble que c’est interprété par Lino Ventura) – avec les travaux de Belleville, il ouvre une porte et arrive dans les ruines dévastées – ça me souvient – ça me rappelle (ou alors un Truffaut peut-être) (mais c’était bien avant années soixante en fin)

  11. Hi !
    On y est en bas de chez toi avec ce Vivre Vite, VV, on fonce, les blancs et noirs lui donne un côté coup de poing que le texte veut provoquer (oui ?)
    … et ça donne envie d’en faire un autre de cette proposition 5 avec une scène comme suggérée – ce que je n’ai pas fait pour une inconnue raison qui me fait détourner les propositions sans le vouloir vraiment,
    Cat S

  12. Suite du projet – (re) lecture à la lumière des sources.
    Descente de la rivière sans titre 404.
    Je me souvenais très bien de ce texte, vraiment beaucoup aimé, très cinématographique. La lecture des sources a laissée intacte cette impression.

    • Oui, c’est ce texte qui sera la situation de mes hypothèses.
      Déneb, vous êtes précieuse !