VENELLE

Au-delà de la grille, près du parc aux massifs opulents dont elle sort : venelle vide en plein été avec tout au bout un mur immense, passage barré. Mur érigé au lieu du temps. Personne dans la ruelle inconnue aspirant et reliant mais à quoi. Reste à l’emprunter. Etroite avec vieilles maisons en enfilade qui se penchent pour voir passer l’intruse. Marcher en cherchant à voir ce qui attend quand impossible d’aller plus loin – sans doute une impasse non nommée au début.  Seulement des pas dans le sillage du deuil.  Là, un tournant – la voie longe le flanc du navire, et la basilique lourde amarrée sur la place monumentale se laisse reconnaître. Dans l’angle, le petit hôtel clandestin :  éblouissante, la décision d’alors refait surface. En face, une tente blanche est dressée : des bijoux attendent sur un présentoir. Elle s’avance pour voir – c’est peut-être là, de l’autre côté du mur, il pourrait bien faire signe. Ils se l’étaient dit. Une pierre bleu nuit, prunelle derrière les yeux clos, couronne déjà l’annulaire, main gauche. Pour celui de la main droite, ce sera le péridot, goutte d’eau verte encerclée par la souvenance. Mains parées, corps debout, corps perdu, et la venelle a disparu. Elle reprend la marche en quittant la place, et croise un homme. Ce n’est pas encore lui.

A propos de Christine Eschenbrenner

Génération 51.Une histoire de domaine perdu, de forteresse encerclée, de terrain sillonné ici comme ailleurs. Beaucoup d'enfants et d'adolescents, des cahiers, des livres, quelques responsabilités. Une guitare, une harpe celtique, le chant. Un grand amour, la vie, la mort et la mer aussi.

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